La société papetière AbitibiBowater a finalement obtenu l'accord de la Cour supérieure pour se prévaloir de l'aide d'urgence de 100 millions US proposée par le gouvernement du Québec.

Mais il aura fallu une concession de toute dernière heure de Québec parmi les conditions de son aide financière pour que le juge Clément Gascon donne le feu vert.

«J'ai dû retourner en conseil des ministres pour modifier une condition de notre offre de garantie de prêt», a confirmé à La Presse le ministre Raymond Bachand, responsable du dossier en tant que ministre des Finances et du Développement économique.

«Mais deux principes sont demeurés prioritaires: fournir des fonds à AbitibiBowater pour assurer la continuité immédiate de ses activités, tout en s'assurant d'une protection adéquate des fonds publics lors de la suite de sa restructuration.»

Ainsi, Québec a mis de coté sa requête de pouvoir imposer son propre contrôleur comptable de restructuration chez AbitibiBowater dans le cas ou la société papetière ferait défaut sur l'une ou l'autre des conditions financières de la garantie de prêt de 100 millions US.

La veille, mardi, le juge Gascon avait vivement critiqué cette condition de l'aide financière de Québec, la qualifiant d'excessive dans le contexte d'une restructuration d'insolvabilité déjà supervisée par la cour.

Par ailleurs, dans son jugement hier, le juge Gascon a aussi réduit de 200 à 140 millionsCAN la valeur des sûretés sur des actifs d'AbitibiBowater que recherchait l'organisme Investissement Québec pour sa garantie sur le prêt à court terme.

Mais en dépit de ses tractations, qui ont allongé de plusieurs jours une approbation de prêt d'urgence enclenchée depuis le 17 avril, la société papetière AbitibiBowater était satisfaite du feu vert de la justice pour cette aide financière.

«Nous pourrons continuer d'avancer avec la suite de notre plan de restructuration», a indiqué Jean-Philippe Côté, porte-parole au siège social d'AbitibiBowater à Montréal.

L'aide financière de Québec prend la forme d'une garantie sur une marge de crédit spéciale de 100 millions US consentie par la Banque de Montréal.

La société papetière a la permission de la cour d'en tirer une première tranche de 30 millions dès les prochains jours afin de renflouer ses liquidités déjà décrites en cour comme très insuffisantes pour faire face adéquatement à ses dépenses d'exploitation courantes.

De cette première somme, toutefois, AbitibiBowater devra déduire des frais initiateurs d'au moins 4 millions, payables sur le champ à Investissement Québec et à la Banque de Montréal.

Aussi, cette marge de crédit spéciale s'inscrit désormais aussi en «super priorité» sur la liste de tous les créanciers de la société papetière, de façon à profiter en premier des entrées de fonds prévues avec la vente de certains actifs au cours des prochaines semaines.

Parmi eux, la part de 60% d'une centrale hydroélectrique près de Baie-Comeau qu'AbitibiBowater a déjà convenu de vendre à Hydro-Québec pour 615 millionsCAN, avant de se protéger de ses créanciers.

Pour la suite, l'obtention d'une aide financière d'urgence de 100 millions US par AbitibiBowater marque en fait la première étape d'une restructuration qui s'annonce complexe, parce qu'elle implique des milliards de dollars de dette et d'actifs au Canada et aux États-Unis.

Cette restructuration s'annonce aussi périlleuse pour plusieurs activités de la société papetière insolvable, étant donné le mauvais état de certaines usines et la crise de marché persistante dans le papier journal et le bois d'oeuvre.

D'ailleurs, les milliers de travailleurs et retraités d'AbitibiBowater au Québec et en Ontario, notamment, sont déjà aux prises avec les conséquences immédiates de cette restructuration sous protection judiciaire.

Entre autres, la société papetière a déjà entrepris en cour de faire interrompre une partie de ses cotisations aux régimes de retraite, pour une somme d'au moins 13 millions par mois.

Une décision à ce propos est d'ailleurs très attendue ce matin en Cour supérieure, au palais de justice de Montréal.