Terre-Neuve et le Québec se sont finalement entendus: l'électricité de Churchill Falls pourra atteindre le lucratif marché américain, ont annoncé hier le premier ministre Danny Williams et le ministre québécois des Ressources naturelles, Claude Béchard.

Mais dans des points de presse distincts, les deux politiciens ont eu une lecture radicalement différente de l'impact de cette entente. Pour le Terre-Neuvien, il s'agit d'une entente «historique» qui permettra à Terre-Neuve de «prendre une bouchée de la Grosse Pomme».

 

Pour Claude Béchard en revanche, Terre-Neuve a finalement compris qu'il valait mieux pour elle de s'entendre avec le Québec pour utiliser la capacité excédentaire des lignes de transport existantes, plutôt que de se lancer, avec l'appui financier d'Ottawa, dans la construction d'une nouvelle ligne, source prévisible de conflit entre les deux provinces.

À maintes reprises au cours des dernières années, le gouvernement conservateur de Terre-Neuve a évoqué ce scénario qui faisait grincer des dents à Québec. En fond de scène se trouve toujours le vieux contentieux autour de l'énergie de Churchill Falls, un barrage développé par Hydro-Québec en territoire terre-neuvien, assorti d'un contrat fort avantageux pour le Québec. En vertu de l'entente qui ne se termine qu'en 2041, le Québec a encaissé 19 milliards de dollars de profits, 19 fois plus que Terre-Neuve, répète le gouvernement de Saint-Jean.

Hydro-Québec et Terre-Neuve se sont entendus sur le transport vers les États-Unis de 200 mégawatts d'énergie de Churchill Falls, destinée au marché spot de la Nouvelle-Angleterre. HQ recevra 20 millions par année pour l'utilisation de ses lignes. «On ne veut pas de ligne de transport subventionnée par le gouvernement fédéral, cela briserait les façons de faire et mettrait tout le monde à risque», a dit M. Béchard.

À Terre-Neuve, M. Williams a précisé que, dès cette semaine, 130 mégawatts d'énergie excédentaire seront vendus à New York par l'entremise de Emera Energy Inc. En pointe, Terre-Neuve pourra vendre 250 mégawatts d'énergie, par la voie du réseau d'Hydro-Québec, indique-t-il.

Pour Terre-Neuve, ces ventes signifient des recettes oscillant de 40 à 80 millions par année. Pour le premier ministre William, l'entente est une étape vers l'émancipation et la prospérité à long terme de la province insulaire.

Mais l'accord, insiste le ministre Béchard, ne vaut que jusqu'en 2014; il devra être renégocié à ce moment où on prévoit la mise en service de la Romaine. «À l'entrée en fonctionnement de la Romaine en 2014, nous aurons de la place sur les lignes pour transporter l'énergie», a souligné M. Béchard. Peut-être faudra-t-il alors construire de nouvelles lignes, a convenu le ministre. «À ce moment-là, on va les construire selon les règles du jeu actuelles», a-t-il soutenu.

M. Béchard n'a pas voulu se prononcer sur l'impact de l'arrivée d'un nouveau concurrent sur le marché américain. Toutefois, a-t-il souligné, l'énergie de Terre-Neuve vise les pointes de consommation, le marché spot, alors que le Québec cherche désormais des contrats à long terme avec les clients américains.