La fameuse «entente secrète» qui a permis à Rio Tinto Alcan de fermer son usine de Beauharnois la semaine dernière - et qui pourrait entraîner la fermeture de trois autres installations au Québec - a hautement choqué au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Selon une «clause catastrophe» intégrée à l'entente de continuité signée avec Québec en 2006, et restée secrète jusqu'au mois dernier, RTA peut fermer certaines usines vieillissantes si les cours de l'aluminium se maintiennent sous la barre des 1800$US pendant plus de 30 jours consécutifs. Et ce, sans perdre les avantages financiers et énergétiques consentis par l'État.

 

Marc-Urbain Proulx, professeur d'économie et spécialiste de l'aluminium à l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), s'insurge contre la signature de tels accords.

«Le Saguenay-Lac-St-Jean offre déjà à la compagnie Rio Tinto Alcan des conditions énergétiques exceptionnelles, et là, mon mot est pesé, dit l'expert. Ce n'est pas avantageux, c'est exceptionnellement avantageux. À partir de cela, on ne voudrait pas qu'il y ait de secrets, on voudrait que tout soit sur la table.»

Selon les calculs de M. Proulx, RTA produit près de 90% de son électricité dans la région avec ses propres centrales hydroélectriques ou encore en bénéficiant de contrats à long terme signés à bon prix avec Hydro-Québec.

Le coût de production de l'aluminium atteignait 1089$ la tonne en moyenne en 2004 au Québec chez Alcan, selon une étude commandée par le Syndicat d'Arvida et contre-vérifiée par les économistes de l'UQAC. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le chiffre tournerait même autour de 1000$ (ce que RTA refuse de confirmer pour des raisons concurrentielles).

L'existence de tels avantages énergétiques en amène plusieurs à exiger le maintien des alumineries de RTA au Québec, et particulièrement au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

«C'est sûr que la population d'ici a des attentes par rapport à l'entreprise, au maintien d'emplois de qualité, lance Marc Maltais, président du Syndicat des travailleurs de l'aluminium d'Alma. Car qu'on se le dise: une fois que les investissements sont faits et que les usines virent, mis à part la destruction du paysage et de l'environnement, tout ce qu'il reste, ce sont des emplois de qualité.»

En entrevue à La Presse Affaires la semaine dernière, le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, a affirmé que RTA «respectait son entente» et que la signature de clauses secrètes n'avait rien d'anormal. L'opposition péquiste a fortement dénoncé l'attitude du gouvernement.

Encore hier, Rio Tinto Alcan a aboli une cinquantaine de postes à Shawinigan, une de ses usines en «défi de rentabilité».