Comme à chaque année, l'accueil réservé au budget est divisé. Celui déposé mardi ne fait pas exception à la règle: le ministre des finances Jim Flaherty n'a pas fait que des heureux.

La veille de la présentation par le ministre des Finances Jim Flaherty du plan de son gouvernement pour relancer l'économie canadienne, Tembec annonçait la fermeture de son usine de Matane pour une durée indéterminée et les fermetures temporaires de trois autres de ses usines en France.

 

Rien de ce que contient cet énoncé de 40 milliards ne changera quoi que ce soit au sort peu enviable de Tembec et de ses employés. «Il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas le gouvernement qui va faire redémarrer le marché du bois d'oeuvre», dit le porte-parole de l'entreprise, Richard Fahey.

Comme beaucoup d'autres entreprises du secteur de la forêt, Tembec aurait voulu que les crédits d'impôt fédéraux à la recherche-développement deviennent remboursables, pour renflouer son fonds de roulement. Actuellement, ces crédits d'impôt ne sont pas très utiles aux entreprises qui ne font pas de profits, et ne paient donc pas d'impôt.

Cela dit, Tembec est plutôt satisfaite de mesures contenues dans le budget. Le gouvernement Harper consacre 170 millions à l'industrie forestière pour l'aider à commercialiser des produits à plus grande valeur ajoutée et à développer de nouveaux marchés pour ces produits.

Ce n'est pas beaucoup, mais c'est probablement tout ce que le gouvernement pouvait faire directement, sans contrevenir à l'entente avec les Américains et reprendre la guerre du bois d'oeuvre, estime Richard Fahey.

Le porte-parole de l'industrie au Québec, Guy Chevrette, de son côté, ne décolère pas. «L'industrie forestière emploie 325 000 personnes de plus au Canada que l'industrie de l'automobile. Elle a besoin elle aussi d'un refinancement à court terme. Pourquoi le gouvernement fédéral choisit-il de donner des milliards à l'industrie de l'automobile et pas à celle de la forêt?» a-t-il demandé lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

Selon lui, les autres mesures du budget destinées à l'industrie manufacturière, comme l'accès facilité au financement et les déductions accélérées pour l'achat de machinerie d'équipement ne seront d'aucune utilité pour l'industrie des pâtes et papier. «On n'a pas une cenne pour investir, explique-t-il. Quand on lutte pour sa survie, ce n'est pas de ça qu'on a besoin».

L'aide à la recherche-développement est une bonne chose, convient le président du Conseil québécois de l'industrie forestière, mais c'est pour l'avenir. «Si on veut être là pour l'avenir, il faut pouvoir passer à travers le présent».

Même modeste, l'aide contenue dans le budget de mardi satisfait l'Association des produits forestiers du Canada. «Ce n'est pas parfait, a commenté son président Avrim Lazar, mais le gouvernement ne peut pas faire grand-chose sans risquer de créer de nouveaux problèmes à la frontière.»

Selon lui, toute aide directe sur le modèle de celle accordée à l'industrie automobile aurait mis en danger l'accès de l'industrie au marché américain, ce qu'il faut éviter à tout prix.

Plus énergiques

L'Association des produits forestiers du Canada aurait préféré voir dans le budget des mesures plus énergiques pour encourager l'investissement mais elle se réjouit de voir que le gouvernement se préoccupe de l'accès au crédit pour les entreprises. «C'est un problème pour nous, pour nos clients et pour nos fournisseurs», a souligné M. Lazar.

Le secteur forestier devrait aussi profiter des mesures d'aide à la rénovation et plusieurs autres mesures qui s'adressent à tous les secteurs d'activités, comme l'encouragement à l'investissement.

Avrim Lazar espère que ce sera suffisant pour aider le secteur forestier à attendre la reprise. «Ce sera très dur, et on va certainement perdre certains de nos membres», a-t-il dit.

Selon l'analyste Richard Kelertas, de Dundee Capital Markets, les mesures annoncées dans le budget de mardi sont bienvenues, mais elles ne suffiront pas à amorcer une reprise dans le secteur forestier. «Nous croyons que nous ne verrons pas de hausse des prix du bois d'oeuvre ou d'augmentation des actions des compagnies forestières canadiennes avant une prise du marché immobilier américain, ce que ne nous ne prévoyons pas avant au moins deux autres années», estime-t-il.

Avrim Lazar fait preuve d'un peu plus d'optimisme. «Certains, comme la Banque du Canada, voient une reprise dans un an. Comme nous avons été les premiers à être touchés par la crise, nous allons être les premiers à en sortir».