La Presse Affaires donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Lino A. Saputo Jr, président et chef de la direction de Saputo, répond aujourd'hui aux questions de Daniel Lamarre, président-directeur général du Cirque du Soleil.

Après autant d'années de croissance, comment peut-on continuer à créer de la croissance ?

Il y a deux façons de faire : la croissance organique et la croissance par acquisitions. Il faut comprendre que dans les marchés où il y a beaucoup de maturité, la croissance organique sera autour de 1 à 2 % par année. Pour Saputo, notre modèle depuis 1997 - l'année où l'entreprise est devenue publique - a toujours été de miser sur la croissance par acquisitions. Nous avons fait 24 acquisitions pour un total de plus de 5 milliards d'achats. On est très à l'aise avec ça. On veut trouver de nouvelles plateformes dans de nouveaux pays pour avoir accès à plus de consommateurs.

Dans la dernière année, on a fait deux acquisitions, une en Australie (Everyday cheese, qui appartenait à Lion-Dairy & Drinks) et l'autre au Canada avec une plateforme aux États-Unis (Woolwich).

Comment faites-vous pour garder le contrôle avec autant d'employés dans plusieurs pays ?

La base de tout ça, c'est une culture d'entreprise qui est unique à Saputo. Quand on fait des acquisitions, quand on prend de l'expansion, on communique avec les gens de l'entreprise. Nous avons un caractère, un modèle d'affaires et on est très expressifs sur le plan de la culture d'entreprise. Je pense que lorsqu'on est consistants dans notre message, qu'on parle aux employés en personne, ils comprennent rapidement notre culture. Je fais d'ailleurs beaucoup de voyages pour rencontrer nos gens dans les usines ou dans les bureaux, que ce soit à Dallas ou à Chicago, en Argentine ou en Australie.

Notre culture d'entreprise se base avant tout sur l'entrepreneuriat. On demande à chacun d'être l'entrepreneur de sa division, de prendre les décisions comme si c'était sa propre entreprise. C'est également le respect non seulement des clients, mais aussi des fournisseurs et des employés. De se parler ouvertement et d'être honnête. On est exigeants, mais je pense que nous sommes très ouverts. C'est une culture familiale, dans le sens qu'on n'a pas peur de se parler.

Comment s'effectue la transition lorsque nous sommes désigné pour prendre la relève dans une entreprise familiale ?

Ce n'est pas parce que mon nom est Saputo que c'était un fait accompli. Je n'ai pas été désigné président de l'entreprise à cause de ça, j'ai dû travailler pour avoir le poste.

J'ai eu le plaisir de travailler à l'intérieur de l'entreprise dès l'âge de 13 ans. Je connais les fondations de l'entreprise, je connais les opérations, j'ai travaillé avec plusieurs de nos employés. Avec le temps, j'ai appris beaucoup sur les opérations, l'administration et la distribution. J'étais parmi un groupe de personnes désignées comme potentiels successeurs à mon père. Quand il a pris sa retraite, nos ressources humaines ont formé un comité spécial pour évaluer les candidats. J'étais un des quatre. Comme je connaissais bien l'entreprise et ses valeurs, ils m'ont choisi comme successeur. La transition s'est bien passée ; mon père était prêt à partir, et moi, je voulais plus de responsabilités. Depuis que je suis en place, je pense que mon bilan est assez bon.

Comment faites-vous pour protéger votre équilibre travail-famille ?

Ce n'est pas facile, parce qu'en étant le président d'une entreprise mondiale, on est pris avec nos responsabilités. Je dois faire des voyages, passer parfois des fins de semaine à l'extérieur. Je suis très chanceux d'avoir une épouse qui m'a toujours épaulé. En 2015, on a célébré nos 25 ans de mariage. C'est elle qui me guide, surtout avec nos deux garçons. Elle me rappelle les moments où c'est important que je sois à la maison pour eux. Je passe parfois peu de temps avec ma famille, mais quand je suis là, je le suis complètement.

Comment voyez-vous votre entreprise dans cinq ans ?

Si je peux utiliser une expression en anglais, je dirais que ce sera more of the same. Ce n'est pas tout d'avoir de la croissance pour être plus gros. On doit aussi être plus forts. En regardant l'évolution de l'entreprise, je pense que le potentiel d'acquisitions est toujours là. Dans le futur, je vois donc une continuité dans nos façons de faire actuelles. Nous avons toujours des idées d'acquisitions. J'ai ma liste de cibles, et j'essaie de la compléter, une entreprise à la fois.

À LIRE LA SEMAINE PROCHAINE

Ralph Acs, vice-président principal de Volvo et de Nova Bus, région des Amériques, répond aux questions de Lino A. Saputo Jr.

Le parcours de Lino A. Saputo Jr. en bref

• Âge : 49 ans

• Études : Lino A. Saputo Jr. est titulaire un baccalauréat ès arts en science politique de l'Université Concordia.

• PDG depuis : 2004

• Nombre d'employés : plus de 12 000, dont près de 1800 au Québec

Avant d'être à la tête de Saputo : Il a fait ses débuts dans les usines de Saputo à l'âge de 13 ans et a obtenu neuf ans plus tard un poste d'adjoint administratif. Il a ensuite occupé différents postes, comme celui de vice-président, Opération et ingénierie. En 2001, il est devenu président et chef de l'exploitation de la division Fromage (États-Unis).