La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque samedi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente.

Joëlle Boisvert, associée-directrice du cabinet d'avocats Gowlings à Montréal, répond aujourd'hui aux questions de Rima Qureshi, vice-présidente principale, directrice de la stratégie, chef du groupe Stratégie et présidente de l'unité commerciale Modems chez Ericsson.

Q Quel a été l'élément déclencheur qui vous a donné envie d'occuper votre poste actuel? Est-ce qu'une partie de vous tenait à obtenir ce poste afin de changer certaines mentalités du milieu?

R Ça résulte de ma façon de voir les choses. Je me suis toujours impliquée au-delà de mes fonctions. Je l'ai fait à l'université, où j'étais impliquée dans l'association étudiante, je l'ai fait comme avocate, en m'impliquant par exemple au Jeune Barreau du Québec, puis au Barreau. Mon approche dans la vie, c'est qu'on peut toujours en faire plus pour contribuer et faire avancer les choses. J'ai envie de changer certaines mentalités, mais dans le sens positif du terme. Je ne veux pas changer les choses parce qu'elles ne fonctionnent pas. Elles doivent toujours évoluer, parce que le statu quo n'est pas une option. Mon objectif, en prenant le poste, était de changer les choses pour qu'elles soient meilleures, mais sans jugement de valeur sur ce qui a été fait dans le passé.

Q Croyez-vous que la diversité au sein de la haute direction rend les firmes plus performantes, surtout lorsque la concurrence se joue sur le plan international?

R Absolument. Pour moi, la diversité a plusieurs définitions, et la mienne est la plus large possible. J'y vois la diversité sur le plan des sexes, des cultures et des âges. Je pense qu'une haute direction diversifiée est plus performante, parce que l'organisation a une vision plus globale et plus calquée sur la société, l'économie et le milieu des affaires. On parle beaucoup ces temps-ci de la diversité hommes-femmes, et c'est un peu mon cheval de bataille avec L'effet A. C'est fondamental d'accélérer l'ascension des femmes aux postes de direction, mais on ne doit pas s'arrêter là. J'essaie le plus possible d'impliquer les jeunes dans les processus de réflexion pour avoir leur vision des choses.

Q Vous avez déjà dit: «L'ambition, c'est comme une couleur. Il faut l'assumer!» Comment faites-vous pour amener les jeunes femmes professionnelles qui vous entourent à accroître et à assumer leur ambition?

R Il n'y a pas une recette avec quatre ingrédients. Il y a plusieurs éléments que je mets de l'avant et, chaque jour, j'essaie d'en ajouter à ma recette. Je crois beaucoup à l'exemple et j'affiche mon ambition. Avoir de l'ambition, pour moi, c'est vouloir occuper un poste où on sera un agent du changement. J'espère montrer qu'on peut être ambitieux sans pour autant le faire au détriment des autres ni des choses importantes dans la vie: la santé, la famille, l'équilibre. J'essaie au quotidien de les aider à développer ce sens de l'ambition, de façon informelle. Si l'une d'elles est impliquée dans quelque chose, j'essaie d'être un catalyseur pour propulser son énergie dans le bon sens. C'est pour ça que je fais L'effet A. J'ai 35 femmes qui suivent mon défi, qui est de créer un accélérateur d'idées afin de créer des modèles féminins pour accélérer le processus vers un poste de direction. Nos organisations sont prêtes à ça.

Q Quels défis se dessinent à l'horizon pour les avocats qui exerceront le métier dans les prochaines années? Quelle est votre approche pour motiver et mobiliser la relève?

R La pratique du droit change, et elle a changé depuis le début de ma carrière. Elle changera par contre plus vite qu'avant, en raison de la vitesse à laquelle les choses évoluent maintenant. Les besoins de nos clients changent, la façon dont nos clients veulent que les avocats travaillent avec eux change aussi. Le plus grand défi sera de s'adapter. Les avocats qui vont avoir du succès seront ceux qui auront cette capacité de s'adapter et, surtout, qui voudront le faire. Pour mobiliser la relève, j'essaie de montrer l'exemple et de tracer le chemin. Selon mon expérience chez Gowlings, les jeunes sont nés avec plein d'outils qui évoluent rapidement. Ils ont acquis la capacité de s'adapter et d'innover. Ils nous proposent des façons de faire plus efficaces, et on se donne la chance de les essayer.

Q Comment une firme d'avocats comme la vôtre intègre-t-elle l'innovation et les nouvelles technologies dans ses activités et son développement?

R À tous les niveaux. J'aime à dire qu'on est précurseurs avec un outil technologique hautement performant, Avantage pratique Gowlings. Depuis les 15 dernières années, notre cabinet a la philosophie que la pratique du droit doit suivre la parade de l'innovation. On a investi du temps, de l'énergie et de l'argent dans la recherche et le développement. J'en suis très fière. On a développé il y a un peu plus d'un an cet outil qui permet d'organiser un dossier juridique de la même façon qu'un projet de construction. Nos clients ont besoin de savoir comment ça va évoluer dans le temps, comment les coûts évolueront et quelles sont les différentes étapes du projet. C'est le plan de match.

> Âge: 50 ans

> Études: Joëlle Boisvert détient un baccalauréat en droit de l'Université de Sherbrooke. Elle est membre du Barreau depuis 1988.

> Associée-directrice depuis: janvier 2014

> Nombre d'employés: plus de 750, dont 207 à Montréal

> Avant d'être associée-directrice: Elle a commencé sa carrière comme avocate à Heenan Blaikie. Elle a ensuite travaillé 15 ans comme avocate associée au cabinet Desjardins Ducharme, avant de se joindre à Gowlings en 2004.

L'effet A: https://effet-a.com/