La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque vendredi, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Claude Tessier, président d'Exploitation IGA Sobeys, répond aujourd'hui aux questions de Martine Turcotte, vice-présidente exécutive, Québec, de Bell Canada.

Q Quelle est la place que Sobeys fait aux produits du Québec dans ses rayons?

R Il faut savoir que les produits du Québec, on les a à coeur. On croit que c'est notre responsabilité d'améliorer la santé des gens. En 2014, on a lancé le «Plaisir de mieux manger» avec nos partenaires. Cette initiative a quatre piliers, dont celui de manger plus sainement, en choisissant des produits locaux et en les cuisinant. Ça implique de faire des choix responsables, qui n'ont pas fait le tour du monde avant d'atterrir sur nos tablettes. Nos marchands font donc des achats locaux.

En 2009, on a aussi introduit les étiquettes «Aliments du Québec» pour mettre en valeur les produits d'ici. Après la crise de la listériose, on a discuté avec les artisans fromagers québécois et travaillé avec eux pour remettre leurs fromages en épicerie. En 2016, les concombres du Saguenay se retrouveront également chez nos marchands.

Q Le secteur de l'alimentation est en plein changement et les nouvelles tendances ne manquent pas (manger local, bio, produits non transformés, sans gluten, etc.). Comment Sobeys s'ajuste-t-il à ces tendances?

R On est précurseurs et on s'ajuste. Nos marchands connaissent les dernières tendances. On a acquis en 2005 Rachelle-Béry, une épicerie santé, et c'est un tremplin pour les tendances biologiques et naturelles. Plusieurs personnes recherchent en effet des produits sans gluten. On s'adapte aux demandes des consommateurs, en ajoutant par exemple les produits Compliments Sans gluten et en offrant plus de produits ethniques. Notre marque privée est en plus simple et naturelle.

Q On entend parler de commerce électronique de plus en plus. Y a-t-il un avenir pour les achats en ligne dans l'agroalimentaire?

R On y croit beaucoup. Depuis 1996, nous avons un site web transactionnel. Nous l'améliorons constamment et y ajoutons des services. Notre épicerie en ligne donne accès à de 25 000 à 35 000 produits. On peut faire des demandes particulières, utiliser des filtres pour trouver des produits ou dénicher des conseils. Les achats faits en ligne peuvent être livrés à la maison ou être récupérés en magasin.

De nouveaux compétiteurs, surtout américains, font leur entrée sur notre marché. Pour faire face aux géants, nous devons être productifs. Nous avons investi 160 millions dans un nouveau centre de distribution automatisé. L'exécution a ainsi été améliorée.

Q On pense qu'il y a beaucoup de pertes d'aliments dans l'industrie. Que peut faire l'industrie pour aider à diminuer ces pertes?

R On travaille sur ce problème constamment, en collaboration avec nos marchands. On fait entre autres du compostage et des programmes de dons alimentaires. On veut composter 80% des matières résiduelles à moyen terme.

On met aussi l'accent cette année sur le gaspillage qui se fait dans le réfrigérateur de chacun. On monte d'ailleurs des ateliers «À vos frigos», de concert avec La Tablée des chefs et le Fonds Éco IGA, qui aide les communautés dans le développement durable. Ils incluront des trucs pour réduire le gaspillage alimentaire au quotidien à la maison.

Q On sait que de nombreux enjeux de santé sont liés à notre alimentation, notamment les problèmes d'obésité. Dans ce contexte, une entreprise comme la vôtre a-t-elle un rôle à jouer?

R Cette cause vient me chercher personnellement. Pas moins de 27% des enfants font de l'embonpoint ou sont obèses. Selon un sondage, 93% des Québécois pensent que c'est de la faute de l'industrie alimentaire. Nous avons une responsabilité. On doit réduire le sel et le sucre dans nos produits. Un travail d'envergure doit être fait en collaboration avec nos fournisseurs. Notre initiative «Plaisir de mieux manger» en fait partie. Il faut bouger et changer les choses.

LE PARCOURS DE CLAUDE TESSIER EN BREF



> Âge: 52 ans

> Études: Claude Tessier Tessier est titulaire d'un baccalauréat en comptabilité de l'Université du Québec à Montréal. Il est aussi membre de l'Institut canadien des comptables agréés.

> Président depuis: juin 2012

> Nombre d'employés: 26 000 au Québec et au Nouveau-Brunswick

> Avant d'être président: il a été vice-président principal, finances et planification stratégique, pour Sobeys Québec. Il a consacré la grande majorité de sa carrière à l'industrie de l'alimentation, après avoir occupé plusieurs postes dans le domaine des finances.