Les entreprises peuvent gagner énormément en productivité et se construire une bonne réputation à l'aide des technologies de l'information (TI). Toutefois, un employeur peut aussi y perdre énormément. Pour limiter les risques, les entreprises ont des devoirs. Marie-Hélène Jetté, avocate en droit du travail et de l'emploi, associée chez Norton Rose Fulbright, propose quelques points auxquels réfléchir avant de se positionner et d'accoucher d'une politique.

Vérification de l'équipement et des données

«Je conseille à l'employeur de statuer clairement aux employés que l'équipement informatique qu'ils utilisent dans le cadre de leurs fonctions et l'information qui se trouve sur le réseau lui appartiennent et qu'il se réserve le droit d'y effectuer des vérifications sporadiques pour s'assurer qu'il est utilisé de façon conforme et correcte. On précise aussi qu'au besoin, des vérifications plus poussées seront réalisées. Ainsi, l'employé réalise que sa vie privée est limitée lorsqu'il utilise l'équipement informatique de son employeur.»

La navigation sur des sites internet, l'activité sur les réseaux sociaux, l'utilisation de l'adresse courriel professionnelle à des fins personnelles, l'envoi de courriels et de textos à des fins personnelles pendant les heures de travail...

«On a déjà vu en jurisprudence le cas d'un employé de la Ville de Saint-Basile-le-Grand qui utilisait son adresse courriel professionnelle pour envoyer des courriels liés à son entreprise personnelle de prêts d'argent à haut taux d'intérêt, raconte Marie-Hélène Jetté, également conseillère en relations industrielles agréée (CRIA). Non seulement l'employé volait du temps à son employeur pour envoyer ces courriels, mais la Ville devenait ainsi mêlée aux activités plus que discutables de son employé.

«L'entreprise a le droit de protéger sa réputation et son image. Elle peut empêcher les employés d'utiliser leur adresse courriel professionnelle à des fins personnelles, à plus forte raison quand il s'agit d'activités douteuses. Par contre, il peut-être difficile de mettre en application des règles très restrictives. Par exemple, pour l'utilisation des réseaux sociaux, la navigation sur internet, les courriels et les textos personnels, la plupart des employeurs permettent ces activités en précisant qu'ils s'attendent à ce que les employés consacrent leurs heures de travail à leurs activités professionnelles. Ils vont assurer une surveillance, gérer les abus et appliquer des sanctions au besoin.»

Protection des renseignements et de la réputation

«C'est fou tout ce qu'on peut faire comme ravage à la réputation de quelqu'un ou d'une entreprise en 140 caractères. L'employeur a l'obligation de protéger les renseignements confidentiels sur l'entreprise et ses employés. Il a aussi l'obligation de ne pas nuire à autrui. Cela signifie qu'il doit limiter ce qui peut être révélé par les employés, même si c'est le soir, lorsqu'ils sont chez eux et que cela se fait sur les réseaux sociaux. L'employeur ne peut pas par exemple parler contre des employés ou d'ex-employés sur les médias sociaux et d'ailleurs, il peut être tenu responsable si des employés le font et qu'il en bénéficie. L'employeur doit indiquer clairement à ses employés qu'il appliquera des sanctions en cas d'écart de conduite de leur part en matière de protection des renseignements confidentiels et de réputation. Certains employeurs interdisent aussi différentes actions sur les réseaux sociaux, comme publier des photos prises au travail.»

Matériel pornographique

«Il faut interdire clairement la consultation, la détention et la distribution de tout matériel pornographique, légal ou pas», conseille Me Jetté.

Sanctions et uniformité dans l'application des règlements

«Il faut prévoir des sanctions pouvant mener au congédiement en cas de non-respect des règlements adoptés en matière de technologies de l'information. Il faut les appliquer de façon uniforme et constante, alors cela peut être un défi si on va vers des règlements très contraignants. On précise aussi qu'on pourra exercer des recours en dommages contre un employé qui contrevient à un règlement. Parce que parfois, le mal qu'un employé peut faire à une entreprise en diffusant des éléments sur les réseaux sociaux, notamment, peut être considérable.»