Avoir la chance de passer une journée avec le grand patron d'une importante entreprise québécoise, voilà ce qu'offre le programme CEOx1jour, organisé par la firme de recherche de cadres Odgers Berndtson. Cette année, Yannis Mallat, président-directeur général d'Ubisoft, Thierry Vandal, PDG d'Hydro-Québec, et Manon Brouillette, présidente et chef de la direction de Vidéotron, se sont prêtés au jeu avec des étudiants. Alain Brunet, président et chef de la direction de la Société des alcools du Québec (SAQ), a accepté de vivre l'expérience et d'en faire part à La Presse.

Alain Brunet était étudiant en histoire lorsqu'il a commencé à travailler à temps partiel à la SAQ. Jamais il n'avait pensé y faire carrière et en devenir un jour le président et chef de la direction. Il a toutefois eu beaucoup de plaisir dans le commerce de détail et il est devenu rapidement gestionnaire de magasin. Pour Anthony Esposito, étudiant en troisième année du baccalauréat en administration des affaires à l'Université Concordia et membre de la famille propriétaire des supermarchés Esposito, le cheminement d'Alain Brunet est inspirant.

«Il m'a raconté que chaque jour, il faisait du mieux qu'il pouvait, il travaillait fort et il tentait d'apporter des améliorations à l'entreprise, raconte Anthony Esposito. Il est passé de promotion en promotion, jusqu'à PDG, après 30 ans d'efforts.»

«Je n'ai pas eu de plan de carrière traditionnel, j'ai fait à peu près toutes les fonctions, affirme Alain Brunet. Je trouve un peu déroutant de viser des postes alors qu'on ne peut pas contrôler si on les obtient ou pas. C'est important de se brancher sur soi, de se développer, d'apprendre et d'être passionné par ce qu'on fait. C'est comme ça que j'ai pu avancer.»

Journée d'échanges

Avec Anthony, Alain Brunet a commencé sa journée par sa réunion hebdomadaire avec des dirigeants de succursales.

«Chaque semaine, il reçoit des dirigeants différents pour discuter des magasins, des plans stratégiques, d'enjeux, et les suggestions de chacun sont notées pour apporter des améliorations», explique Anthony.

Ils ont aussi participé à un événement au Club Saint-James avec d'autres dirigeants d'entreprises du commerce de détail.

«J'y ai fait des rencontres super intéressantes, dont celle du patron de David's Tea», raconte Anthony.

Ensuite, il s'est rendu au centre de distribution de Montréal, où il a pu rencontrer notamment le vice-président à l'approvisionnement de la SAQ.

«Le centre a 750 000 pi2, on y trouve 5 divisions et plus de 900 employés», précise Anthony.

Ce qui l'a le plus surpris dans la journée, c'est la façon avec laquelle Alain Brunet communique avec ses employés.

«Il est gentil, il fait des blagues, il est facile d'approche, affirme Anthony. Les employés le connaissent, il serre des mains, il dit bonjour. Je ne pensais pas que c'était possible lorsqu'on est à la tête d'une entreprise de 7500 employés.»

Pour Alain Brunet, la présence inhabituelle d'un jeune homme venu de l'extérieur de l'entreprise lui a permis de prendre du recul.

«Il m'a posé des questions auxquelles je ne suis pas habitué de répondre, elles m'ont mis en mode réflexion et elles ont fait surgir des choses, affirme M. Brunet. J'ai aussi invité Anthony à donner son avis sur différents éléments. Il a apporté sa vision.»

Qu'est-ce qu'un bon PDG de la relève aux yeux d'Alain Brunet?

«Quelqu'un avec une vision, capable de mobiliser les gens autour, dit-il. Quelqu'un avec une bonne capacité d'écoute et capable de se remettre en question. Il faut aussi avoir le courage de prendre des décisions. Les jeunes sont bien formés techniquement aujourd'hui, leur défi est de développer un bon style de leadership.»

Anthony Esposito terminera ses études prochainement et envisage un jour d'occuper un poste de direction dans l'entreprise familiale, où il travaille depuis qu'il est adolescent. Toutefois, il souhaite maintenant travailler dans une autre entreprise en finance et en marketing pour acquérir de bons outils.

Sélection rigoureuse

Pour sélectionner les participants, Odgers Berndtson a réalisé le même type de processus que lors de sa recherche de cadres.

«Nous avons reçu plus de 300 candidatures d'étudiants de différents programmes universitaires et nous avons fait un premier tri en analysant les profils», explique Nathalie Francisci, associée du bureau montréalais d'Odgers Berndtson.

Ensuite, des entrevues téléphoniques ont été réalisées et 15 jeunes se sont démarqués pour passer des tests d'évaluation du leadership et rencontrer l'équipe lors d'entrevues approfondies. Six ont finalement été retenus au Québec.

«C'est une opportunité unique pour ces jeunes de traverser un processus de sélection aussi rigoureux et structuré, puis de vivre une journée avec un PDG, affirme Nathalie Francisci. Cette expérience leur permet de démystifier la fonction de ces hauts dirigeants. Ils peuvent ainsi comprendre pourquoi ils ont du succès et comment ils performent au-delà de leurs responsabilités. Ils sont généralement très inspirés et pourront se servir de cette expérience comme modèle.»

Ce concours permet à l'équipe d'Odgers Berndtson, qui travaille avec de hauts dirigeants d'au moins 20 ans d'expérience habituellement, de se connecter avec les jeunes. C'est la deuxième année que le concours se tient au Canada; il a démarré il y a huit ans au Portugal.