Ils sont journaliste/éditeur ou bien entrepreneur/programmeur et ne se contentent pas d'une seule carrière. Ces individus aussi polyvalents qu'un canif suisse réussissent à jongler avec plusieurs boulots et en retirent même de la satisfaction.

Nadine Mathurin travaille à temps plein comme gestionnaire de communauté à Radio-Canada. Comme si ce n'était pas assez, elle prend aussi des contrats d'écriture humoristique à la pige et donne cet automne des ateliers de gestion des médias sociaux à l'Université de Montréal.

Malgré son horaire chargé, elle ne se passerait d'aucun de ses trois boulots. «J'ai une immense passion pour l'écriture. J'ai beau être une machine à tweets de 140 caractères, je ne peux pas me laisser aller allègrement dans des publications plus drôles ou personnelles. J'écris donc des niaiseries sur un blogue connu, des critiques musicales sur un site moins connu, des blagues pour un spectacle humoristique, et je parle devant une classe. Ce sont des passe-temps, mais en plus, je suis payée pour. Quoi demander de mieux?»

Au Québec, ils sont plus nombreux qu'auparavant à suivre ses traces.

En 2013, on dénombrait 164 100 cumulards de l'emploi, selon les chiffres de l'Institut de la statistique du Québec. Vingt-cinq ans plus tôt, ils n'étaient que 82 500.

Selon Marie-Ève Lapalme, professeure à l'ESG-UQAM, la plupart ne le font toutefois pas par choix. «La majeure partie veut joindre les deux bouts. D'autres en profitent pour se payer du luxe, comme voyager ou acheter un chalet.»

Ce n'est pas la seule raison, loin de là. «Le cumul d'emplois peut être motivé par un besoin d'accomplissement, une envie de variété, ou tout simplement une passion. Des entrepreneurs montent aussi leur entreprise en gardant un autre travail pour la sécurité d'emploi qu'il procure», croit Mme Lapalme.

Sandra Benjamin, qui est chef des relations publiques pour HP Canada en plus d'être animatrice télé et reporter sur les tapis rouges, se trouve très choyée d'avoir deux métiers qu'elle adore. «Après des années de déchirement, j'ai laissé tomber le dilemme de l'emploi de rêve versus le gagne-pain. J'ai réussi à réunir deux bons métiers et à en faire mon travail de rêve. Je n'ai pas à choisir. Et je peux en plus interviewer Brad Pitt!»

Des avantages et des inconvénients

Depuis une vingtaine d'années, Caroline Rousse fait partie des cumulards. Elle en retire beaucoup de bien.

«Il n'y a aucune monotonie. Cela me permet de travailler avec toutes sortes de gens, de tous les milieux ou presque. On ne se rend pas compte du grand potentiel qu'on a. Travailler sur deux fronts m'a permis de développer des compétences, d'acquérir des connaissances, de voir la vie sous différents angles, de vivre des expériences hors du commun. C'est très nourrissant.»

Celle qui oscille entre l'enseignement et l'organisation d'événements regrette toutefois les inconvénients de son mode de vie, où le temps est souvent un luxe. «Le stress est un facteur omniprésent. Il y a aussi des moments de trop-plein. Tout arrive en même temps et on ne sait plus si on sera capable de livrer la marchandise», explique Caroline Rousse.

Nadine Mathurin évoque aussi le stress et les horaires impossibles. Par contre, elle pense que gérer son agenda n'est pas le pire. «Le plus difficile, c'est d'essayer de continuer à avoir une vie sociale à travers tout ça. De se dire: «J'ai assez donné" un vendredi soir et d'aller voir des amis.»

D'un point de vue légal

Pour Denis Morin, professeur-chercheur en gestion des ressources humaines, lui aussi à l'ESG-UQAM, «le cumul d'emplois n'est pas répréhensible en soi, à moins que la convention collective le réglemente. La capacité de travail du salarié ne doit toutefois pas être compromise par son deuxième emploi».

Les boulots multiples peuvent aussi mettre l'employé en situation de conflit d'intérêts. «Dans un tel cas, l'employeur peut sanctionner le salarié fautif, notamment s'il se place en concurrence avec les activités de son employeur, en occupant un deuxième emploi dans une entreprise concurrente ou en participant aux activités d'une entreprise rivale», ajoute-t-il. Il revient à l'employeur de prouver que le double emploi peut lui nuire et que le travailleur n'assume pas son obligation de loyauté.

Quelques conseils

Ceux qui ont plus d'un titre doivent s'adapter, être autonomes et vigilants. Pour manier les emplois avec brio, Marie-Ève Lapalme conseille de bien gérer son temps, en définissant clairement son horaire et en gardant tout de même de l'espace pour la vie personnelle.

Car comme le dit Caroline Rousse, «la vie ne se résume pas qu'au travail. Il faut que celui-ci (ou ceux-ci!) demeure un véritable plaisir. Sinon, ça ne vaut pas la peine».