Gérer. Voilà un mot passe-partout. Dans le langage courant, on gère son stress, on gère un magasin et, dans les cas extrêmes, on gère une crise. Mais qu'en est-il du personnel d'une entreprise ? Peut-on gérer ses employés ? Pas du tout, si l'on en croit les spécialistes à qui nous avons posé la question. Toutefois, il est possible de voir au bien-être de ses employés en... gérant des programmes.

« Gérer un employé, c'est utopique ! On peut l'encadrer, l'aider à se développer, le récompenser, etc. À la limite, on peut gérer du talent, ce qui est une extension du travail des gens des ressources humaines. Mais on ne gère pas un employé ; on le motive. Et ça, c'est le rôle du gestionnaire », explique Geneviève Cloutier, associée au cabinet montréalais d'actuaires-conseils Normandin Beaudry.

Selon elle, l'équipe des ressources humaines va gérer les absences, les vacances, les contrats à l'embauche, les salaires et autres assurances collectives. Mais tout le reste, bref tout ce qui fait en sorte qu'un employé sait où il s'en va, pourquoi on lui demande de faire ceci plutôt que cela, est plutôt l'affaire des gestionnaires.

Bien sûr, ceux-ci travaillent en étroite collaboration avec certains membres de l'équipe des RH qui s'y connaissent en gestion des talents, en leadership, voire en valorisation. Le rôle du gestionnaire est donc primordial, affirme Jacques Forest, psychologue, CRHA et professeur à l'UQAM.

« Souvent, les gens quittent un emploi à cause d'un gestionnaire immédiat et non à cause de l'organisation », dit le chercheur au Département d'organisation et ressources humaines de l'ESG UQAM et spécialiste en psychologie organisationnelle.

Comment s'y prendre?

Mais comment les gestionnaires, qui visiblement ont le dos large, doivent-ils s'y prendre ? En respectant les règles de base que sont l'autonomie, la compétence et l'affiliation sociale, croit Jacques Forest.

« Peu importe la taille de l'entreprise, il faut diminuer les frustrations et augmenter la satisfaction de ces trois besoins de base, dit-il. Il faut offrir les bons outils. Pas juste aux gestionnaires, mais aussi aux employés. Ça fait partie de la théorie de l'autodétermination qui existe depuis 40 ans et qui est utilisée partout dans le monde. »

Alain Gosselin, professeur titulaire au Service de l'enseignement de la gestion des ressources humaines à HEC Montréal, se plaît à faire un parallèle entre le gestionnaire et le « coach » d'une équipe sportive. « Le coach doit apprendre à optimiser le travail des gens qu'il supervise, explique-t-il. Il doit créer un lien de leader de proximité. Il doit être proche de son monde, mais pas trop, pour ne pas être considéré comme un ami. Sa supervision doit être saine. Plus ses attentes seront claires, plus les résultats seront bons. »

Cela dit, afin de passer de la théorie à la pratique, Alain Gosselin soutient qu'il faut donner un sens à ce que les employés font. « Il faut partager son projet et non pas juste demander à quelqu'un d'accomplir une tâche. Il faut être mobilisant. Si tu veux que les gens embarquent, qu'ils soient tes partenaires, tu dois leur présenter ton projet en termes concrets. »

Peu importe qu'une entreprise privilégie une gestion « ouverte, collaborative, descendante ou hiérarchique », une chose demeure, croit Alain Gosselin : il faut donner du sens aux choses, définir les attentes, faire un suivi et offrir du soutien.