Depuis cinq ans, les espaces de travail collaboratif se multiplient à travers le monde pour le plus grand bonheur des travailleurs autonomes esseulés et des entreprises en démarrage qui n'ont pas les moyens de s'offrir un local.

William Lachance est un programmeur informatique indépendant. Pendant quelques années, son chez-lui et son bureau ne faisaient qu'un. De quoi devenir un peu fou, raconte-t-il. «La solitude me pesait. J'avais besoin de voir d'autres personnes.» Il a trouvé une solution en louant un espace de travail à Station C, un des premiers lieux de coworking qui a ouvert ses portes à Montréal en 2008. «Ma qualité de vie s'est grandement améliorée», affirme William Lachance.

Chaque jour, des milliers de travailleurs autonomes se rendent dans des espaces de travail collaboratif, un croisement entre le café du coin et le bureau. Ces grands lofts commerciaux sont équipés d'immenses tables, d'un accès à l'internet haute vitesse, d'une ou plusieurs salles de réunion et d'une cuisinette. Quelques-uns possèdent des bureaux fermés. 

On y rencontre des traducteurs, des infographistes, des journalistes, des programmeurs, des développeurs web, des comptables... On y voit aussi de jeunes entrepreneurs qui n'ont pas encore les reins assez solides pour se payer un local, mais qui souhaitent profiter des commodités d'un bureau et d'une ambiance professionnelle. 

Depuis 2008, les bureaux en partage ont poussé comme des champignons. On en trouve aujourd'hui environ 2500 à travers le monde et le nombre double chaque année. Une douzaine ont vu le jour à Montréal. D'autres apparaissent à Québec, Gatineau, Joliette et Sherbrooke.

Avantages et inconvénients

Briser l'isolement inhérent au travail autonome est la raison d'être du coworking. «La technologie permet désormais à quiconque de travailler de n'importe où, mais ça ne veut pas dire que les gens aiment rester enfermés chez eux, observe Yves Faguy, coassocié de Station C. Grâce au coworking, on fait partie d'une communauté, on peut échanger avec son voisin de bureau. Plusieurs trouvent même des contrats de cette façon.»

L'autre grand avantage du coworking est la flexibilité. Les forfaits sont journaliers ou mensuels, avec ou sans contrat. Les prix oscillent entre 219$ et 350$ par mois. Certains espaces offrent même un tarif horaire. «Les travailleurs veulent un bureau bien équipé sans forcément l'occuper à temps plein, remarque Sylvain Boissé, vice-président de Nexus Montréal, situé dans le Plateau Mont-Royal. Plusieurs de nos membres n'y sont que trois jours par semaine.»

Les jeunes entreprises apprécient de ne pas être liées par un bail d'un an. «Nous avions besoin d'un espace pour nous rencontrer, mais de façon temporaire parce qu'il est possible que notre équipe déménage», explique Raisa MacLeod, coordonnatrice de Capital Innovation, société qui aide des entreprises en démarrage à trouver du financement. Ses trois employés occupent des bureaux fermés chez Nexus Montréal depuis l'été dernier.

Partager un espace de travail n'est pas sans inconvénient, reconnaît toutefois Philippe-Antoine Lehoux, cofondateur de l'Abri.Co, premier espace de bureaux partagés au centre-ville de Québec. «Les travailleurs sont discrets, mais les bureaux étant dans une aire ouverte, le bruit peut en déranger certains, indique-t-il. Ce n'est pas l'idéal non plus pour quelqu'un dont le travail exige un haut niveau de confidentialité.»

Saturation en vue à Montréal?

Selon Sylvain Boissé, il y aurait une saturation de l'offre du coworking à Montréal. «Nous avons emménagé dans un plus grand local l'été dernier et je m'attendais à ce que nous ayons rempli nos places en deux ou trois mois, dit-il. En ce moment, une dizaine sont libres. Je pense être à pleine capacité en janvier.»

Yves Faguy n'est pas de cet avis: «Nous n'avons jamais eu autant de membres. Nous sommes d'ailleurs en discussion pour commander de nouvelles tables.» Il croit que l'avenir des bureaux en partage, à Montréal et dans le monde, est plus que prometteur. «C'est dans l'air du temps, affirme-t-il. Non seulement la transformation du marché du travail nous pousse dans cette direction, mais cela s'inscrit dans le mouvement de l'économie du partage.»