Des défis, les entrepreneurs et les gestionnaires en rencontrent tous les jours. La Presse vous propose une série d'articles présentant des difficultés et des solutions inspirantes adoptées par des gens sur le terrain. Cette semaine: comment mettre en oeuvre une politique contre le harcèlement psychologique?

Jusqu'à récemment, la politique de non-violence du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine chapeautait le harcèlement psychologique. Après plusieurs plaintes en 20 ans dans un département où le climat de travail s'était sérieusement détérioré et à la suite de l'intervention de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), une politique distincte contre le harcèlement psychologique a été créée. La bonne nouvelle, c'est qu'on peut agir avant l'arrivée des problèmes et que même une petite entreprise peut intervenir efficacement.

«C'est préférable d'avoir une politique destinée uniquement à contrer le harcèlement, parce que telle une loi, elle envoie le message clair que ce genre de comportement ne sera pas accepté», affirme Angelo Soares, spécialiste des questions de harcèlement psychologique au travail à l'École des sciences de la gestion (ESG) de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

Étape 1: analyser la situation

Avant la rédaction d'une politique, les experts rencontrés conseillent de prendre le temps d'analyser l'entreprise.

«On regarde ses différents services pour évaluer les risques de harcèlement psychologique, affirme Angelo Soares. Surtout, ne croyez pas qu'une entreprise familiale ou un organisme à but non lucratif sont à l'abri du harcèlement psychologique.»

La Commission des normes du travail (CNT) propose sur son site internet, dans la section harcèlement psychologique, l'autodiagnostic «Quel est l'indice de bien-être dans votre milieu de travail?»

«On y retrouve des questions simples pour voir où on est rendu dans son milieu de travail», indique Johanne Tellier, avocate à la CNT.

Étape 2: inclure les incontournables

Une politique contre le harcèlement peut tenir sur deux pages tout en étant très complète, assure Me Tellier. Pas d'excuses, donc, pour les petites entreprises effrayées par la paperasse.

Normalement, on inclut la définition du harcèlement psychologique de l'article 81.18 de la Loi sur les normes du travail décrite sur le site de la CNT.

«L'employeur peut donner un exemple propre à son milieu de travail de ce qu'il jugerait être une situation de harcèlement psychologique», conseille M. Soares.

L'employeur y joint ensuite sa déclaration affirmant qu'il ne tolérera rien d'assimilable à du harcèlement psychologique et qu'il s'engage à offrir un milieu de travail sain, conseille Me Tellier.

Ensuite, on explique aux employés ce qu'ils doivent faire s'ils sont victimes d'une situation de harcèlement psychologique.

«Le plus simple est de choisir une personne de confiance avec qui communiquer en cas de situation préoccupante, affirme Me Tellier. On précise aussi que cette personne s'engage à préserver la confidentialité et à faire preuve de respect.»

On précise alors ce qui sera fait pour faire cesser la situation.

«La personne choisie pourra être accompagnée d'une ou deux collègues de confiance pour s'informer sur le cas et chercher une solution dans un processus de médiation pour tenter d'éviter de lancer une grande enquête très déstabilisante pour une entreprise», indique Me Tellier.

«La politique doit aussi comprendre une procédure formelle à suivre en cas d'échec de la procédure informelle, qui décrira les étapes de traitement d'une plainte et les mesures disciplinaires prévues», conseille Angelo Soares.

Étape 3: diffuser la politique

Pour jouer son rôle, la politique doit être diffusée.

«On peut la distribuer à chaque employé, l'afficher au babillard, la mettre sur l'intranet, agrafer un dépliant aux talons de paye et revenir à la charge régulièrement, par exemple en créant une semaine ou une journée annuelle de prévention», énumère M. Soares.

Il conseille aussi de former les gestionnaires pour qu'ils soient à l'affût et qu'ils adoptent un mode de gestion efficace pour prévenir le harcèlement.

Au CHU Sainte-Justine, chaque gestionnaire a dû présenter la nouvelle politique contre le harcèlement à ses travailleurs.

«Nous leur avons demandé de mettre l'accent sur les attentes de comportement et nous avons donné de la formation sur la civilité en milieu de travail», explique Sheila Comerford, chef de service, santé et sécurité du travail, CHU Sainte-Justine.

Étape 4: appliquer et améliorer la politique

Le CHU Sainte-Justine a ensuite dû intervenir pour faire respecter sa nouvelle politique.

«Pour que la politique soit efficace, il faut absolument prendre les plaintes au sérieux et appliquer les mesures disciplinaires prévues lorsque des cas se présentent», soutient Angelo Soares.

L'employeur doit aussi documenter de façon confidentielle les cas de harcèlement psychologique pour faire un suivi et adapter sa politique.

«Pour chaque cas, nous regardons si la politique a été en mesure de bien répondre et on l'améliore continuellement, indique Mme Comerford. Les gens respectent maintenant davantage la politique. Le département problématique est redevenu fonctionnel et le climat de travail s'est amélioré.»