Démarrer son entreprise comporte son lot de défis. Imaginez si vous le faites dans un pays où vous venez de vous installer!

Alain Breton s'est installé au Japon il y a cinq ans, mais le 11 mars 2011 a bousculé sa vie paisible de professeur d'anglais. L'accident nucléaire de Fukushima qui a suivi le tsunami et le tremblement de terre a plongé Tokyo dans un climat semblable à celui d'une ville en guerre. Les cours suspendus, Alain Breton s'est retrouvé en exil à Hiroshima, avec son garçon et sa femme enceinte. C'est à ce moment qu'il a décidé de démarrer son entreprise.

«J'étudiais le japonais depuis quelques années et je n'avais jamais trouvé d'application iPad satisfaisante pour m'aider à mémoriser les mots de vocabulaire», raconte-t-il.

Il avait pensé créer sa propre application, mais il n'était jamais passé à l'action.

«Pendant que tout le monde était paniqué, rivé devant le téléviseur, je me suis dit que c'était le moment ou jamais», se souvient le créateur de l'application LEXI.

Naître avec une vocation internationale

Pour la programmation, Alain Breton a fait appel à un ami informaticien de Québec. Traducteur de formation et polyglotte, l'entrepreneur s'est occupé du contenu de LEXI français, anglais et espagnol. Il a trouvé des traducteurs installés à Tokyo pour les versions japonaise, allemande et italienne ainsi que pour les versions actuellement en préparation: coréenne, russe et mandarin.

Il a aussi deux graphistes: un aux États-Unis et un à Tokyo.

Son application est offerte pour l'iPhone et l'iPad sur l'App Store d'Apple, donc sa clientèle est internationale.

Pour Mai Thi Thanh Thai, professeure spécialisée en entrepreneuriat et en commerce international à HEC Montréal, l'exemple d'Alain Breton illustre la tendance des entreprises nées avec une vocation internationale (born global).

«Plusieurs entrepreneurs immigrés mettent à profit leurs liens transnationaux, remarque-t-elle. Le secteur des technologies de l'information permet aussi d'aller chercher des clients à l'international dès le démarrage.»

Les différences culturelles

Le concept international peut séduire, mais il comporte son lot de défis.

«Un immigré qui démarre son entreprise risque de rencontrer la barrière de la langue, affirme Mme Thai, mais aussi, la xénophobie.»

Heureusement qu'Alain Breton avait appris le japonais avant de se lancer en affaires puisque la graphiste qu'il a sélectionnée parle uniquement japonais.

Il affirme ne pas avoir senti de xénophobie.

«Je trouve que les Japonais sont très curieux avec les étrangers probablement parce qu'il y en a peu au Japon. Ils ne s'attendent pas à ce qu'un étranger agisse comme un Japonais et d'ailleurs, ils sont toujours surpris que je parle japonais.»

Par contre, tout immigré qui fait des affaires à l'étranger doit observer la culture locale et s'y adapter. «Pour rencontrer des clients, je dois porter un veston, une cravate et de belles chaussures», raconte-t-il. Il a aussi dû s'habituer au sceau. «Les Japonais ne signent pas beaucoup leur nom: ils ont un sceau qui représente leur signature. Je me suis procuré le mien.»

Mme Thai s'est penchée récemment sur le Viêtnam. Une grande différence avec le Québec se trouve dans la carte professionnelle. Alors que les Québécois optent souvent pour la simplicité et la sobriété, les Vietnamiens accordent une grande attention au design de leur carte et choisissent des couleurs vives. Ils y inscrivent aussi plus de renseignements personnels comme leur numéro de téléphone et leur adresse à la maison puisqu'au Viêtnam, la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle est presque inexistante.

Le défi législatif et financier

D'après Mai Thi Thanh Thai, la connaissance limitée du marché et du système législatif local représente aussi un défi pour l'immigrant.

«Pour trouver un modèle d'affaires efficace, il a avantage à analyser les aspects politique, économique, social, technologique, environnemental, légal et législatif du pays.

«Je ne connaissais pas les lois japonaises, reconnaît Alain Breton. Mon réflexe a été d'enregistrer mon entreprise au Québec.»

Trouver du financement pour démarrer son entreprise est aussi un défi.

«Au gouvernement, je n'aurais pas su à quelles portes frapper et je préférais créer mon application plutôt que de remplir des formulaires pour obtenir du financement. Mon père, dans les affaires depuis 40 ans, m'a aidé», précise l'entrepreneur.

Il a aussi repris l'enseignement à temps partiel lorsqu'il est revenu à Tokyo pour s'assurer des revenus. Il a ensuite investi graduellement dans son entreprise.

«Par exemple, j'ai créé une page Facebook puisque c'est gratuit. Comme les ventes couvrent maintenant les frais de l'entreprise, j'investis davantage. J'aurai mon site web prochainement. LEXI pour Android sortira aussi bientôt et j'aimerais faire une version internet pour rejoindre des marchés comme l'Inde et la Chine.»