«Nice guys finish last.» Cette célèbre citation lancée par le gérant de baseball Leo Durocher à l'endroit des Giants de New York en 1948 est devenue l'emblème par excellence de la culture du milieu des affaires, autant aux États-Unis qu'ailleurs. Des études tendent à lui donner raison.

Les gens désagréables, particulièrement les hommes, gagnent davantage que ceux qui sont aimables. C'est du moins ce que révèle une nouvelle étude canado-américaine: les hommes désagréables ont un salaire 18% plus élevé que ceux qui sont aimables - une moyenne de 9700$ de plus par année.

Pour leur étude Do Nice Guys - and Gals - Really Finish Last?, Charlice Hurst, professeure adjointe à la Ivey School of Business de l'Université de Western Ontario, Beth Livingston, de l'Université Cornell, et Timothy Judge, de l'Université Notre-Dame, ont d'abord compilé des données de trois importantes études américaines pour lesquelles on avait interviewé près de 10 000 travailleurs de tous les âges, et ce, sur divers laps de temps (une des trois enquêtes s'étendait de 1957 à 1993). Toutes demandaient notamment aux répondants d'évaluer s'ils se considéraient comme des personnes plutôt aimables ou désagréables.

«Même en tenant compte de différentes variables comme le type de travail, la classe sociale ou la race, les données demeurent consistantes», affirme Mme Hurst. Ainsi, les gens aimables - c'est-à-dire altruistes, attentifs aux autres, modestes, qui accordent de l'importance aux relations interpersonnelles - gagnent un salaire moins élevé que ceux qui sont désagréables, égocentriques, compétitifs, voire agressifs.

Des stéréotypes bien vivants

Si cette conclusion est vérifiable pour les deux sexes, elle est surtout frappante dans le cas des hommes, car les femmes affichant une attitude désagréable ne font que 5% de plus que celles qui sont aimables. Une différence qui s'explique par les stéréotypes, qui font encore la loi dans le monde du travail, croit Mme Hurst. En fait, il semble qu'avoir une attitude plus frondeuse et compétitive impressionne moins les patrons lorsqu'il s'agit d'une femme.

«Qu'un homme ait une attitude moins aimable et plus centrée sur soi est un comportement auquel on s'attend de la gent masculine. Lorsqu'un homme se comporte de cette façon, il est récompensé. Ce n'est pas vraiment le cas pour les femmes, ou très peu», explique-t-elle.

Une quatrième étude expérimentale, une simulation menée par les trois chercheurs auprès de 460 étudiants en gestion, vient appuyer cette affirmation.

Placés dans une situation fictive où ils devaient décider à qui donner une promotion parmi des candidats ayant les mêmes qualifications, les étudiants ont d'abord privilégié les hommes plutôt que les femmes, peu importe leur caractère. Ils ont préféré nettement les hommes compétitifs et désagréables, tout en pénalisant ceux étiquetés comme aimables et candides.

«Cela montre à quel point ces stéréotypes sont forts et implantés dans notre culture, malgré les progrès réalisés», remarque celle qui est spécialisée en comportement organisationnel.

S'il est déplorable de constater qu'un homme est beaucoup plus pénalisé qu'une femme lorsqu'il ne correspond pas aux stéréotypes associés à son sexe, au final, ce sont les femmes qui sont encore aujourd'hui les grandes perdantes, tient-elle à préciser.

«Les hommes aimables font encore plus d'argent que les femmes, point à la ligne, peu importe si elles sont aimables ou antipathiques. Il n'est donc pas vrai de dire que les nice guys finissent derniers... ce sont plutôt les femmes!»

Devenir un salaud n'est pas la solution!

Est-ce à dire qu'il faut se comporter en salaud pour obtenir une promotion? Non, car il ne faut pas confondre attitude désagréable avec rudesse et comportement antisocial, avertissent les auteurs. «L'attitude désagréable de ces personnes peut laisser un arrière-goût amer dans la bouche de certains, mais ça ne veut pas dire qu'ils sont des salauds! Il s'agit plutôt de quelqu'un, par exemple, qui ne craindra pas de négocier avec aplomb une augmentation sans se préoccuper des autres.»

Un conseil pour les gentils de ce monde? Se tenir debout!

«C'est important de réaliser que vous pouvez vous exprimer sans pour autant blesser les autres. Se taire n'est pas nécessairement la meilleure façon de maintenir de bonnes relations, et sûrement pas la meilleure façon d'obtenir ce que vous voulez!», conclut Mme Hurst.