Sans le crier sur tous les toits par peur de ne pas y arriver, François Bégin a toujours voulu devenir médecin. Après avoir tout de même hésité avant de se lancer dans autant d'années d'études, il a finalement décidé de foncer et de redoubler d'efforts pour être accepté en médecine. Il a finalement réussi à être accepté à l'Université Laval et neuf ans plus tard... il étudie encore, mais comme résident. Il est convaincu qu'il a trouvé sa voie.

«Je voulais devenir médecin pour le contact avec les patients, pour le défi intellectuel, le travail de terrain, l'autonomie et aussi, parce que le travail était assuré», explique-t-il.

Des défis à relever et du travail assuré, François n'en manque pas puisqu'il a décidé de se spécialiser en médecine d'urgence. Et contrairement à ce que plusieurs pourraient penser, la désillusion n'a pas frappé lorsqu'il a commencé à travailler dans les urgences surpeuplées.

«Ça nous pousse à nous adapter et à développer des aptitudes spécifiques à la gestion d'une salle d'urgence bondée. Je trouve ça dommage de devoir être expéditif avec les patients pour pouvoir donner des soins à tous, mais c'est une réalité avec laquelle nous devons maintenant composer», affirme-t-il.

Démêler le rêve de la réalité

Pour Érick Beaulieu, conseiller en orientation qui pratique à l'Université de Montréal et rencontre ses clients dans son bureau du boulevard Saint-Joseph, il est important qu'un jeune qui est en train de faire son choix de carrière démêle le rêve de la réalité.

«Plusieurs jeunes idéalisent des genres de carrière, remarque-t-il. Ils voient quelque chose à la télévision par exemple et ils veulent faire la même chose, mais ce n'est pas toujours comme ça que ça se passe dans la vraie vie.»

Par exemple, Sylvain (nom fictif) a vu à six ans une exposition où on présentait les premiers ordinateurs personnels. Il a instantanément été fasciné. Au cégep, après avoir traversé une phase artistique et après avoir tenté sa chance en acupuncture, il est revenu à ses premières amours, les ordinateurs. Il est devenu ingénieur informatique.

«Par paresse peut-être, et parce que je ne me sentais pas prêt à vivre l'incertitude financière», analyse-t-il avec le recul.

Érick Beaulieu a souvent rencontré des gens qui ont fait leur choix de carrière en suivant leurs forces, leurs aptitudes, l'attrait d'un certain statut, ou encore, un certain salaire sans toutefois s'être questionné sur l'intérêt réel que représentera le travail pour eux dans le quotidien.

C'est seulement des années plus tard que Sylvain a vraiment compris les tâches d'un ingénieur informatique.

«Les projets informatiques modernes sont si complexes qu'ils requièrent en général une quantité importante de travailleurs. Chacun se fait attitrer une tâche qui semble mineure, ce qui fait que je me sens souvent détaché de la réalité finale de mon travail», explique-t-il.

L'environnement de travail

Il faut tout de même être prudent, affirme Érick Beaulieu avant de penser à se réorienter.

«Il arrive que le choix de carrière soit bon, mais que l'ajustement au milieu du travail prenne un peu de temps. Il y a souvent beaucoup de relations humaines à gérer et une forme d'intelligence émotionnelle à développer avant d'être à l'aise dans son travail. Parfois, l'insatisfaction est aussi liée à son employeur», remarque-t-il.

Sylvain par exemple a travaillé dans une grande compagnie sur des logiciels prévus pour des avions de chasse. «J'avais un certain problème moral avec ça», affirme-t-il.

Il a finalement décidé de tout quitter pour aller enseigner l'anglais au Japon, puis il est allé s'établir en République tchèque.

«Je suis retourné travailler comme ingénieur informaticien, mais cette fois, dans le domaine de la finance. J'aurais préféré faire de petits projets plus sympathiques, à mon compte, mais c'est somme toute correct et j'ai maintenant trois enfants. Ça devra attendre!»

Tout à fait comblé par la médecine, François réalise aujourd'hui que s'il a pu faire un choix si juste, c'est parce qu'il s'était vraiment demandé, dès l'âge de 15 ou 16 ans, quel genre de contexte professionnel pourrait le rendre heureux.

«J'ai fouillé dans des bouquins, se souvient-il, j'ai parlé à des proches, j'ai été voir sur le terrain, j'essayais vraiment de me projeter dans l'avenir.»

D'après le conseiller en orientation, c'est exactement ce qu'il faut faire. «Le danger, c'est de rester dans le rationnel, indique M. Beaulieu. Il faut aller goûter et sentir les différents milieux de travail.»