Au cours des dernières semaines, nous avons abordé divers aspects de la rémunération. Entre autres, nous avons examiné comment déterminer si votre rémunération est concurrentielle. Nous avons également discuté de la façon dont votre salaire est établi au sein de votre organisation. Il a aussi été question de la crise économique et de ses effets souvent négatifs sur la rémunération. Finalement, nous avons exploré les manières de maximiser votre couverture d'avantages sociaux.

Dans ce texte, nous abordons la rémunération sur un plan un peu plus philosophique. De fait, la question est la suivante: la rémunération est-elle la raison principale pour laquelle nous travaillons?

 

Notre première réaction serait de répondre par l'affirmative. La majorité d'entre nous, pour gagner notre vie, devons travailler et ce travail doit être rémunéré. Mais du moment où cela est établi, est-ce vraiment le salaire qui nous fait nous lever du lit chaque matin ou cherchons-nous davantage au travail?

La recherche

Plusieurs chercheurs se sont penchés sur cette question. Tout d'abord, la recherche révèle qu'en général, la rémunération a une importance assez grande dans l'acceptation d'une offre d'emploi. Comme il est assez difficile d'évaluer les autres caractéristiques du milieu de travail sans y avoir oeuvré, cette affirmation semble aller de soi.

Par contre, les résultats de recherche indiquent également que la rémunération vient beaucoup plus loin dans les raisons évoquées pour quitter un emploi. De fait, la relation avec le supérieur immédiat, le manque de défis dans l'exécution du travail et l'absence de possibilités d'avancement comptent davantage aux yeux des gens qui quittent leur travail. Dans ce cas, l'expérience même du travail prend donc le dessus sur les préoccupations pécuniaires.

D'autres chercheurs (entre autres Estelle Morin de HEC Montréal) ont voulu savoir quel sens les gens donnent à leur travail. Dans notre société moderne, le travail constitue un élément central où la productivité, la performance et le succès individuels sont valorisés. La rémunération n'est plus seulement une monnaie d'échange en contrepartie du travail accompli, mais aussi un étalon de mesure de la réussite individuelle.

Poussé à l'extrême, cet état de fait peut entraîner ce que certains auteurs ont appelé la «dépersonnalisation», même l'aliénation, où le travail humain n'est considéré que comme une quelconque ressource dans la réalisation des enjeux économiques de l'organisation ou de la société de consommation dans laquelle nous vivons.

L'amour du travail

La réflexion sociologique sur le sens du travail évoque cependant que l'être humain aime le travail, qu'il a même un instinct pour celui-ci et qu'il y trouve un certain plaisir, tant par la réussite qu'il lui procure que par le fait de réaliser quelque chose et de laisser sa marque dans le tissu social d'une organisation. L'estime de soi et un sentiment de dignité, dans un contexte de travail positif, sont également renforcés. Le travail peut aussi amener les gens à user de leur créativité et à entrer en relation avec d'autres. De même, le besoin de se sentir utile est souvent satisfait par la réalisation d'un travail.

Finalement, la rémunération constitue, dans une certaine mesure, une reconnaissance tacite du travail effectué et participe à l'équilibre entre notre contribution à l'employeur et la rétribution que l'on en retire.

Dans le contexte économique actuel où de nombreux travailleurs perdent leur emploi, il faut avoir une pensée pour ces derniers qui ne font pas que perdre un revenu d'emploi, mais perdent aussi les autres éléments que le travail procure et qui donnent souvent un sens à notre vie. Vivement que la reprise se manifeste...

Jérôme Côté, CRHA, est conseiller principal au Groupe Hay. Dès lundi, vous retrouverez le texte de cet article dans le portail de l'Ordre: www.portailrh.org