La célèbre poutine inversée du chef Danny St Pierre sera bientôt vendue dans divers hôtels et restaurants, probablement même au supermarché. «Le produit est final, industrialisé et prêt à mettre en marché», a dit le chef à La Presse.

La poutine inversée, c'est une croquette de pomme de terre cachant de la sauce à poutine et du fromage en grains. «C'est une petite bouchée de bonheur, qui explose littéralement en bouche», a expliqué M. St Pierre, qui la sert en entrée à son restaurant Auguste, à Sherbrooke.

Le Québec compte 20 000 établissements de restauration commerciale, dont la survie n'est pas toujours facile. «Globalement, en tenant compte de l'inflation, on parle d'une croissance du chiffre d'affaires de seulement 0,8% pour les six premiers mois de l'année, dans toutes les catégories», a dit François Meunier, vice-président aux affaires publiques à l'Association des restaurateurs du Québec.

Fait plus inquiétant, le niveau de rentabilité s'amenuise. Les restaurants avec service aux tables ne faisaient que 2,6% de profit net au Québec, en 2011, selon Statistique Canada. «Pour un chiffre d'affaires d'un million, ça fait 26 000$ de profit, a souligné M. Meunier. C'est des peanuts.»

Fermeture de restaurants

À Montréal, les restaurants Kaizen Sushi, Jolifou et Laurier BBQ ont récemment fermé; l'Astral de l'hôtel Loews Le Concorde à Québec doit, quant à lui, cesser de tourner à la fin du mois d'octobre. Des fermetures qui n'ont rien d'exceptionnel.

«C'est difficile la restauration au Québec, a confirmé M. St-Pierre. Il y a tellement de concurrence, tant au niveau de la restauration artisanale de qualité comme la nôtre, que de chaînes qui ne sont pas toutes locales, aux poches très profondes. Des fois, c'est un combat dans lequel on ne fait pas le poids.»

Pour se démarquer, des restaurateurs font le pari de la diversification. Jérôme Ferrer, grand chef Relais&Châteaux, lancera cet automne un plat prêt-à-manger au fromage Migneron de Charlevoix dans une chaîne de supermarchés. Laurent Godbout, chef de l'Épicier, vient de concocter une recette pour un guide faisant la promotion des oignons du Québec.

M. St Pierre semble avoir le don d'ubiquité, puisqu'il anime Qu'est-ce qu'on mange pour souper? du lundi au vendredi à la télévision de Radio-Canada, en plus de chroniquer à l'émission matinale de Marie-France Bazzo, de sortir son premier livre de recettes et d'être copropriétaire d'Auguste et d'Augustine. Le chef trouve aussi le temps d'être «consultant gastronomique» pour les plats cuisinés Fleury Michon.

«Non seulement c'est nécessaire de se diversifier, mais je pense qu'une bonne business aujourd'hui, ça doit utiliser des moyens astucieux pour se faire remarquer», a souligné M. St Pierre. Grâce à la notoriété de son chef, Auguste attire à Sherbrooke 150 personnes de l'extérieur tous les week-ends.

Un pari risqué

Mais l'audace ne paie pas toujours. «Les cas de succès dans la diversification sont plutôt rares, a indiqué Normand Turgeon, professeur de marketing à HEC Montréal. Des études indiquent un score de 5 à 15%, si c'est fait par innovation interne plutôt que par acquisition.»

M. Turgeon comprend malgré cela qu'un chef comme Jérôme Ferrer se lance dans des plats préparés. «La valeur de sa marque est reconnue, elle lui confère donc des options de développement des affaires», a-t-il observé. D'autant que la tendance de consommation de plats cuisinés est maintenant un comportement acquis.

Tout de même, il aurait été moins risqué de créer une déclinaison comme la cabane à sucre du restaurant Pied de cochon. «Un pont de saison fort judicieux», selon le professeur de marketing.

Marge bénéficiaire d'exploitation des restaurants à service complet au Québec

> 2008 : 3,8 %

> 2009 : 3,4 %

> 2010 : 3,4 %

> 2011 : 2,6 %

Note : données provisoires pour 2011.

Source : Statistique Canada

Marge bénéficiaire d'exploitation des restaurants à service restreint (comptoir ou cafétéria)

> 2008 : 6,4 %

> 2009 : 5,8 %

> 2010 : 5,9 %

> 2011 : 4,8 %

Note : données provisoires pour 2011.

Source : Statistique Canada

La restauration au Québec

Il y a 20 000 restaurants, brasseries, tavernes, bars et traiteurs au Québec.

Les recettes de ce secteur ont atteint près de 10,1 milliards de dollars au Québec en 2011, en hausse de 3,5 % par rapport à 2010.

Source : ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ)