Le litige qui oppose Alimentation Couche-Tard (T.ATD.B) et la CSN est entré dans sa dernière ligne droite, hier, avec le début des plaidoiries devant la Commission des relations de travail (CRT).

La CSN avait déposé trois plaintes contre l'entreprise pour négociation de mauvaise foi, entrave, intimidation et menaces pour activités syndicales.

On se rappellera que Couche-Tard avait fait couler beaucoup d'encre en 2011 en fermant deux dépanneurs, rues Saint-Denis et Jean-Talon. Le premier était sur le point d'obtenir une accréditation syndicale tandis que l'autre l'avait déjà obtenue et négociait sa première convention collective.

La CSN prétend que ces deux commerces ont été fermés pour entraver toute activité syndicale. L'entreprise affirme plutôt qu'ils n'étaient pas assez rentables.

Démonstration du syndicat

Me Éric Lévesque, qui représente la centrale syndicale, s'est acharné à faire la démonstration que les deux établissements n'ont pas été victimes de «malheureuses coïncidences», mais d'une «embarrassante concomitance».

Pendant quelques heures, il a martelé que les explications de Couche-Tard étaient «déraisonnables, cousues de fil blanc et invraisemblables». Il a tenté de faire la preuve que l'argument économique ne peut avoir justifié la fermeture rue Saint-Denis puisque «les résultats étaient en croissance et étaient supérieurs à la moyenne dans la région». En outre, 110 000$ avaient été investis dans le commerce peu de temps auparavant, a-t-il rappelé. «On ne procède pas à des améliorations locatives si on pense fermer.»

Rue Jean-Talon, il y avait effectivement un «ralentissement de régime», a convenu Me Éric Lévesque. Mais ce seul fait ne justifie pas une fermeture, puisqu'il y avait d'autres options possibles, a-t-il plaidé.

«La preuve patente révèle une stratégie bien orchestrée pour ne pas avoir à composer avec l'affaire syndicale», a résumé Me Éric Lévesque, en faisant maintes fois allusion au plan d'affaires de Couche-Tard, un document frappé d'une ordonnance de non-publication.

Une vidéo controversée

La CSN reproche aussi à Couche-Tard d'avoir diffusé à ses employés une vidéo dans laquelle le président Alain Bouchard affirme qu'un grand nombre de ses succursales «ne pourraient pas soutenir l'augmentation importante des coûts causée par un syndicat». «Devant une telle explosion, tous les scénarios devraient être envisagés», ajoutait-il.

Ces propos ont été perçus comme des menaces et de l'intimidation par la centrale syndicale. «Ce n'est pas la liberté d'expression d'un président», a lancé Me Éric Lévesque.

Les avocats de Couche-Tard feront prévaloir leur point de vue au commissaire Alain Turcotte ce matin.

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LA SAGA EN QUELQUES DATES

> Janvier 2011: Début de la véritable campagne de syndicalisation de la CSN dans les dépanneurs Couche-Tard

> 7 février 2011: La CSN obtient une accréditation pour l'établissement du 2500, rue Jean-Talon Est, à Montréal, à l'angle de la rue D'Iberville

> 10 mars 2011: Le site LesAffaires.com dévoile l'existence d'une vidéo dans laquelle le président de Couche-Tard, Alain Bouchard, s'adresse aux employés

> 6 avril 2011: Fermeture du Couche-Tard au 6430, rue Saint-Denis, angle Beaubien, à Montréal

> 12 avril 2011: La CSN obtient une accréditation pour l'établissement du 6430, rue Saint-Denis, à Montréal

> 2 juin: Dépôt d'un premier projet de convention collective pour le dépanneur syndiqué rue Jean-Talon et début des négociations

> 15 septembre: Fermeture du Couche-Tard rue Jean-Talon, angle D'Iberville