L'effondrement d'une usine de vêtements au Bangladesh qui a fait plus de 380 morts et des centaines de blessés, la semaine dernière, est devenu un énorme embarras parmi les détaillants vestimentaires en Europe et aux États-Unis, mais aussi tout près de nous ici au Canada et au Québec.

À tel point que, pendant que le Conseil canadien du commerce de détail tenait hier une réunion privée à Toronto avec des dirigeants de Loblaw, dont la division Joe Fresh était cliente de l'usine effondrée, cet embarras se transformait en consigne du silence parmi les autres détaillants d'importance.

Au siège social des magasins Simons, par exemple, les demandes répétées au bureau du président, Peter Simons, à propos de la gestion des approvisionnements au Bangladesh se butaient encore hier à un «refus de tout commentaire.»

Même silence à la direction montréalaise du Groupe Dynamite, qui regroupe 250 boutiques sous les enseignes Dynamite et Garage au Canada et aux États-Unis.

Comme la plupart de ses concurrents, le Groupe Dynamite affiche de plus en plus d'étiquettes «Made in Bangladesh» sur ses vêtements de mode jeunesse à prix abordables.

Les messages laissés au bureau de la présidente, Anna Martini, étaient toujours sans réponse en fin de journée, hier.

Mais pour des analystes en commerce de détail comme JoAnne Labrecque, professeure à HEC Montréal, cet embarras des détaillants vestimentaires est compréhensible dans l'immédiat, quelques jours après une tragédie qui a suscité des images dramatiques.

«L'ampleur de cet événement au Bangladesh est telle que toute l'industrie vestimentaire est interpellée, en particulier les détaillants qui craignent pour leur image et leur réputation», selon Mme Labrecque.

«Le secteur vestimentaire doit prendre ça très au sérieux, en particulier les détaillants qui risquent de se faire poser plus de questions sur leurs fournisseurs à l'étranger.»

En contrepartie, explique-t-elle, l'industrie vestimentaire n'est pas la seule à blâmer dans cette triste affaire. Depuis des années, elle doit s'adapter à la demande croissante des consommateurs pour des articles vestimentaires à bas prix et remplaçables.

«Comme consommateurs, nous avons tous profité de cette baisse des prix. Mais on se rend compte maintenant qu'il y a de graves répercussions sociales à un tel mouvement. La tragédie au Bangladesh nous les met en plein visage», indique Mme Labrecque.

«Ça va provoquer des changements dans l'industrie vestimentaire, mais pas à court terme, considérant l'importance de la production dans les pays à très faible coût de main-d'oeuvre, en Asie surtout.»

Dans ce contexte, Mme Labrecque estime plutôt favorable la façon dont le géant Loblaw a réagi jusqu'à présent avec l'implication de sa division vestimentaire Joe Fresh (des centaines de points de vente au Canada et aux États-Unis, près de 1 milliard en revenus) dans la tragédie au Bangladesh.

«Ils ont envoyé des gens là-bas et obtenu la tenue rapide de discussions au Conseil canadien du commerce de détail. Des choses pourraient changer», s'attend Mme Labrecque.

En fin de journée, hier, Loblaw confirmait la préparation d'un plan d'indemnités pour les familles des victimes de l'effondrement d'usine au Bangladesh, dont sa division Joe Fresh était une cliente d'importance.

En agissant ainsi, Loblaw se rend en partie aux revendications de groupes activistes comme Maquila Solidarity Network, de Toronto. Depuis quelques jours, ce groupe dénonce dans les médias les détaillants d'importance au Canada qui faisaient affaire avec l'usine effondrée, dont Walmart Canada et le groupe vestimentaire Fairweather.

Ces détaillants auraient aussi été mentionnés parmi les «clients» que promeut sur ses sites internet l'entreprise qui exploitait l'usine effondrée au Bangladesh. Selon divers rapports de presse, on y retrouve également des marques comme les jeans UFO de Montréal, Tommy Hilfiger et Calvin Klein aux États-Unis, ainsi que Manga, Benetton, Bonmarché et El Corte Inglés en Europe.