Le grand quincailler québécois Rona (T.RON) se retrouve encore sous les feux des projecteurs. Mais pas vraiment pour des motifs favorables.

D'une part, on attend des résultats trimestriels qui devraient confirmer que la fin d'exercice 2012 fut difficile chez Rona, marquée par l'érosion des ventes en magasins et une rentabilité anémique.

D'autre part, on attend de la haute direction de Rona qu'elle énonce tel que promis des informations détaillées sur son plan d'affaires pour redresser la rentabilité de l'entreprise.

De l'avis d'analystes, ce plan devrait inclure le délestage de certains actifs hors de son fief commercial au Québec: grands magasins en Ontario, divisions spécialisées pour professionnels, etc.

«Nous savons que Rona a des activités encore bien rentables au Québec, mais qu'il peine avec ses magasins hors du Québec. S'il veut s'en départir, ce sera tout un défi d'y parvenir à bon prix dans le contexte actuel», explique Keith Howlett, analyste des détaillants chez Valeurs mobilières Desjardins, dans un récente note sur Rona.

Rémue-ménage

Par ailleurs, tout ce rémue-ménage attendu chez le plus grand quincailler sous contrôle canadien doit se mettre en branle alors qu'il cherche encore un successeur à son président de longue date, Robert Dutton. Il a quitté soudainement son poste en novembre après une intervention remarquée des principaux actionnaires de Rona, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Cette intervention d'actionnaires a aussi mené au chambardement du conseil d'administration, incluant la fonction suprême de président du conseil. Depuis janvier, ce poste est occupé par Robert Chevrier, un administrateur d'expérience chez de grands distributeurs et détaillants québécois.

«Rona n'a pas encore de PDG permanent et n'en aura sans doute pas avant quelques semaines. Ça complique les efforts de l'entreprise pour améliorer sa performance, alors que c'est au centre de toutes les préoccupations», souligne l'analyste Vishal Shreedhar, spécialiste des détaillants à la Financière Banque Nationale, dans sa récente note.

Des attentes déçues?

Les nombreux détaillants affiliés de Rona s'inquiètent aussi de ce louvoiement à la haute direction, ainsi que de l'impact de son nouveau plan d'affaires sur leurs activités de marchands locaux et régionaux.

«C'est clair que Rona est à un tournant structurel comme entreprise. Cependant, tout ce qui s'y produit depuis plusieurs mois semble correspondre d'abord aux intérêts de quelques grands actionnaires. Comme détaillants, nous tenons aussi à faire valoir nos intérêts à titre de principaux clients de Rona en distribution», commente Martin Lacasse, nouveau président de l'Association canadienne des marchands Rona, qui regroupe quelque 330 détaillants et 2 milliards de dollars en ventes au détail.

Propriétaire de trois magasins dans la région de Gatineau, M. Lacasse a fait ce commentaire hier au cours d'une entrevue à une station de radio locale (104,7 FM) qui soulignait sa nomination comme représentant national des marchands Rona.

Dans l'immédiat, toutefois, c'est du côté des résultats de fin d'exercice de Rona que les attentes des actionnaires risquent le plus d'être déçues. Car les détaillants, eux, vivent déjà le ressac du marché de la déco-rénovation, au terme d'un long cycle haussier dans le marché résidentiel.

Parmi les analystes, la moyenne de leurs prévisions suggère une très faible croissance (1,3%) des revenus totaux de Rona (distribution et détail) au quatrième trimestre de 2012, comparativement à l'année précédente.

Recul des ventes

Mais en ce qui concerne les magasins seulement, Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux, prévoit un autre recul marqué de 3% des ventes des commerces comparables, c'est-à-dire ouverts depuis plus d'un an.

Dans ce contexte, le bénéfice d'exploitation et le bénéfice net (avant frais spéciaux) chez Rona au quatrième trimestre de 2012 devrait s'afficher en baisse prononcée par rapport à la période correspondante un an plus tôt.

Et avant que ce brouillard se dissipe, les recommandations des analystes envers les actions de Rona demeurent à l'avenant. Aucun des neuf analystes recensés par l'agence Bloomberg n'en recommandent l'achat, tous s'en tiennent à un simple avis de «conserver» en portefeuille.

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Rona

Les grands chantiers

> Recruter un nouveau président et chef de l'exploitation, après le chambardement du conseil d'administration

> Redéfinir et instaurer de nouvelles priorités d'affaires, incluant la remise en question de certaines activités d'expansion hors du Québec

> Rehausser une rentabilité défaillante alors que tout le marché résidentiel au Canada est en ressac

> Réconforter ses actionnaires déçus, parmi eux de gros fonds d'investissement, et rassurer ses nombreux détaillants affiliés ou franchisés sur la suite de leurs relations d'affaires.

> Dissuader des offres d'achat opportunistes de la part de concurrents, dont l'Américain Lowe's qui s'est déjà manifesté

Résultats anticipés

Quatrième trimestre de 2012

> Revenus: 1,18 milliard (+1,3%)

> Bénéfice d'exploitation: 30,7 millions (-77%)

> Bénéfice net ajusté: 10,7 millions (+30 millions)

> Bénéfice par action: 12 cents (-20%)

Exercice 2012

> Revenus: 4,8 milliards (+1,3%)

> Bénéfice d'exploitation: 238 millions (-22%)

> Bénéfice net ajusté: 83,4 millions (-4%)

> Bénéfice par action: 64 cents (-3%)

Sources: Bloomberg, rapports d'analystes