La campagne de syndicalisation parmi les dépanneurs Couche-Tard (T.ATD.B) au Québec a pris une tournure singulière après la divulgation aux employés d'un message vidéo dans lequel le président du détaillant, Alain Bouchard, fait allusion au risque de fermeture des magasins qui deviendraient syndiqués.

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«Un grand nombre de nos succursales ne pourraient pas soutenir l'augmentation importante des coûts reliés à un syndicat. Devant une telle augmentation (des coûts), tous les scénarios devraient alors être envisagés», indique M. Bouchard dans la vidéo, qui a été diffusée sur le site internet du journal Les Affaires.

Après avoir vanté «le caractère familial et profondément humain» de la gestion de Couche-Tard, Alain Bouchard critique les promoteurs syndicaux en les accusant d'utiliser des «affirmations totalement mensongères».

«Depuis 30 ans, les infiltrations syndicales chez Couche-Tard ont toujours échoué», selon M. Bouchard, en raison des «nombreux accommodements» possibles dans la gestion actuelle des relations de travail dans les dépanneurs.

«De tels accommodements ne se prêtent pas à une gestion très rigide imposée par un syndicat. Aucun dépanneur ne pourrait fonctionner dans ce contexte», affirme M. Bouchard devant la caméra.

La centrale syndicale CSN, qui mène la campagne d'accréditation chez Couche-Tard, a vite mobilisé ses avocats en relations de travail.

«Les propos de M. Bouchard sont des allégations sérieuses contre le processus syndical. Nous envisageons tous les recours possibles en fonction du Code du travail, qui proscrit l'ingérence d'un employeur dans un processus d'accréditation syndicale parmi ses employés», affirme Jean Lortie, président de la Fédération du commerce à la CSN.

Un tel recours aurait lieu auprès de la Commission des relations de travail (CRT) dès les prochains jours. Ce serait la deuxième fois en un mois à peine que la CRT intervient dans la campagne d'accréditation syndicale parmi les dépanneurs Couche-Tard.

Le mois dernier, la CRT a rejeté une demande de Couche-Tard, qui voulait faire déclarer illégales les méthodes de recrutement de la CSN.

Cette requête avait été faite à la CRT deux jours à peine après que la douzaine d'employés d'un dépanneur Couche-Tard situé dans le quartier Villeray à Montréal eurent déposé une demande d'accréditation syndicale.

Cette demande était une première chez Couche-Tard, mais aussi dans tout le milieu des quelque 6000 dépanneurs au Québec.

Depuis, une deuxième demande d'accréditation a été déposée, cette fois par les employés d'un dépanneur Couche-Tard situé à Saint-Hubert, sur la Rive-Sud de Montréal.

Selon la CSN, le réseau «syndicable» de Couche-Tard au Québec comprend quelque 500 établissements qui regroupent au moins 5000 salariés, surtout à temps partiel.

Autre particularité: ces dépanneurs sont des commerces en propriété directe de Couche-Tard, plutôt que des commerces gérés par des franchisés.

Par conséquent, la syndicalisation des dépanneurs pourrait s'étendre plus rapidement qu'avec un réseau de franchisés. À la Fédération du commerce de la CSN, on admet avoir déjà planifié une structure de syndicats régionaux et d'un grand syndicat provincial qui regrouperaient l'ensemble des salariés de Couche-Tard en magasins.

Pas de commentaires

Au siège social du détaillant à Laval, hier, on s'est abstenu de commenter la divulgation publique de la vidéo du président qui a circulé parmi les employés au cours des dernières semaines.

Par ailleurs, le sujet de la syndicalisation a été complètement ignoré par M. Bouchard et son principal adjoint financier, Raymond Paré, lors de leur téléconférence avec des analystes, hier, à propos des résultats du troisième trimestre.

Ces résultats divulgués hier se sont avérés meilleurs que les attentes des analystes, avec une hausse des bénéfices d'exploitation et net de 30% par rapport à ceux d'un an plus tôt.

Cette hausse de bénéfice reflète la forte progression des revenus totaux de Couche-Tard, surtout dans son vaste réseau de dépanneurs aux États-Unis. Ses revenus ont augmenté de 13% à 5,6 milliards US au troisième trimestre, ce qui comprend la vente de carburants automobiles.

Une hausse que les investisseurs en Bourse ont appréciée. Ils ont poussé les actions (cat. B) de Couche-Tard en hausse de 2,5% à 23,35$, à contre-courant d'une séance baissière.

Couche-Tard au troisième trimestre

Ventes totales: 5,61 milliards US (+13%)

Ventes excluant l'essence: 1,79 milliard US (+4,7%)

Bénéfice d'exploitation: 102,1 millions US (+30%)

Bénéfice net: 71 millions US (+29%)

Bénéfice net par action (dilué): 38 cents US (+31%)

Source: Alimentation Couche-Tard