Plus de 2,5 millions de membres, 240 employés, un pied bien planté dans le marché américain et des ventes qui dépasseront bientôt 100 millions. L'essor de l'entreprise montréalaise Beyond the Rack a de quoi donner le vertige, elle qui comptait quatre employés pas plus tard qu'il y a deux ans.

L'histoire de cette société commence en 2008, lorsque trois entreprises lancent des sites de vente en ligne aux États-Unis. Leur succès attire l'attention d'un expert en marketing et un spécialiste du vêtement, qui décident de lancer un site semblable au Canada.

Yona Shtern a roulé sa bosse chez Sachs Fifth Avenue, Fido et Avon. Son associé, Robert Gold, est issu de la famille qui exploitait la défunte chaîne A Gold&Sons. Leur bébé, Beyond the Rack, permet à des internautes de se procurer notamment des vêtements griffés à prix réduit.

Beyond the Rack n'est pas un détaillant comme tel. L'entreprise sert d'intermédiaire pour des fournisseurs qui souhaitent liquider des excédents de stock. Plutôt que de les vendre à des détaillants de masse, ils les confient au site montréalais, qui organise des «événements» de courte durée -deux jours, par exemple- pour les vendre en ligne. Seuls des membres enregistrés du site y sont conviés.

»Comme des puceaux»

«Cette stratégie protège la marque, explique Yona Shtern. Si la marque a un excédent de stock qu'elle veut vendre, la dernière chose qu'elle veut, c'est l'écouler sur eBay ou sur Google, des sites accessibles à tous. Autrement, comment vendraient-elles leurs produits à plein prix?»

À l'été 2008, les deux entrepreneurs se lancent à la recherche d'investisseurs. Et de leur propre aveu, ils ne connaissaient rien à la recherche de capital-risque.

«On ne savait même pas la différence entre un ange financier, une firme de capital-risque et du capital-investissement, dit Yona Shtern en riant. Nous étions comme des puceaux. Rappelez-vous comment ça s'est passé pour vous la première fois. Est-ce que ç'a été une expérience plaisante? Peut-être pas. Mais ç'a été une expérience. Et est-ce vous seriez meilleur aujourd'hui? Probablement.»

Six mois plus tard, ils ont amassé 1 million de dollars, somme nécessaire au lancement de leur société. Le premier événement a lieu en février 2009. Trois articles sont vendus pour un total de 200$.

«Nous étions quatre, relate M. Shtern, et nous faisions tout: empaqueter les commandes, acheter les produits.»

Très vite, le site gagne des adeptes. Sa notoriété grandit. Beyond the Rack commence à vendre des bijoux, des valises, des montres, des livres, des jouets. Aujourd'hui, le site tient une douzaine d'événements par jour. Les vêtements ne constituent plus que le quart de ses ventes.

Avec la croissance viennent des défis de taille: acheter des ordinateurs pour le personnel, gérer les retours, régler les droits de douane, déceler les cartes de crédit frauduleuses. L'envolée de la société est parsemée d'obstacles. Et chaque obstacle l'oblige à grandir pour rester efficace.

»La pédale au plancher»

«Pour réussir, il fallait atteindre une taille intéressante rapidement», a expliqué Robert Gold lors d'un passage au Startup Camp jeudi dernier. «Il a fallu abandonner notre réflexe de grandir prudemment. Nous avons mis la pédale au plancher. Nos investisseurs nous ont dit: vous foncez dans un mur de briques et vous allez manquer d'argent. Mais il faut avoir confiance qu'au moment où vous allez frapper le mur, il disparaîtra.»

Ils ont effectivement trouvé les fonds nécessaires au bon moment. Et heureusement: le local rue Isabey, non loin de l'aéroport Trudeau, est vite devenu exigu. L'entreprise vient d'aménager dans un immeuble de 110 000 pieds carrés, rue Hickmore.

«Ici, c'est le service du marketing», explique M. Shtern en désignant un groupe d'employés installés devant leur ordinateur.

La société recrute des membres en faisant de la promotion dans des médias en ligne. Des analystes scrutent les préférences des clients pour déterminer quels types de produits seront vendus à l'avenir. Douze acheteurs, dont la moitié sont établis dans un bureau de New York, négocient avec 1700 marques. L'entreprise exploite maintenant trois entrepôts, dont deux aux États-Unis, d'où proviennent 60% de leurs ventes.

À chaque événement, le fournisseur envoie des échantillons qui sont inscrits dans une banque de données et photographiés dans l'un des cinq studios du siège social. À l'équipe de photographes s'ajoute un groupe de graphistes pour soigner la présentation des articles sur le site. Service à la clientèle, gestion d'entrepôt, expédition: autant de tâches qui requièrent désormais des équipes complètes.

«Notre plus grand défi, c'est de gérer l'équipe et les opérations, explique Yona Shtern. Une tâche peut n'être attitrée à personne en particulier et, trois semaines plus tard, on songe à embaucher quelqu'un pour la faire. Puis, soudainement, on a besoin d'un gérant et d'un service complet.»

Les ventes de Beyond the Rack ont atteint 50 millions en 2010 et elles devraient doubler en 2011, selon Yona Shtern. Il s'attend à ce qu'elles atteignent le demi-milliard d'ici trois ans.