Dépassements de coûts, conflits entre entrepreneurs, délais inattendus, le chantier du boulevard Saint-Laurent hante toujours les marchands, qui ont mis de longs mois à remettre leurs commerces sur les rails.

«Nos membres sont sous l'impression que le chantier a été mal réfléchi, indique Francis Blouin, directeur général de la Société de développement du boulevard Saint-Laurent. Et pas seulement en termes d'exécution, de logistique, mais aussi de planification.»

La Ville a embauché la firme Construction Frank Catania et Associés pour remplacer la chaussée et les conduites souterraines, en plus d'élargir et aménager les trottoirs. Le chantier, lancé en mai 2007, devait s'étendre sur 22 mois d'abord.

Les concepteurs n'avaient pas prévu que l'élargissement des trottoirs allait affecter le drainage des rues. Il a fallu faire des travaux supplémentaires pour modifier les fondations, les chaussées et les trottoirs dans les rues transversales.

Le chantier n'était en cours que depuis trois mois et déjà les commerçants du boulevard envisageaient un recours collectif contre la Ville. Devant leur colère, l'administration Tremblay a ordonné à son entrepreneur d'accélérer les travaux, pour réduire l'échéancier à 13 mois.

Le chantier a comporté son lot d'imprévus: fuites de gaz, conflits d'horaires entre les différents sous-traitants qui travaillaient sur les lieux. Puis, alors que les travaux semblaient sur le point de prendre fin, Gaz Métro a annoncé qu'il devait rouvrir les trottoirs et la chaussée à une quarantaine d'endroits pour réparer ses propres conduites.

Pour l'administration municipale, le chantier a coûté 32 millions, 800 000$ de plus que prévu. Catania a adressé une réclamation supplémentaire de 2 millions, mais la Ville l'a jugée irrecevable et a refusé de la payer.

Les marchands, eux, ont subi les contrecoups des travaux pendant des mois, voire des années. Sitôt le chantier terminé, ils ont été frappés par la récession. Plusieurs commerces ont fermé, si bien qu'en janvier, le taux d'inoccupation s'élevait à 8% dans les locaux commerciaux de la Main.

À ce jour, les restaurateurs critiquent l'aménagement de bancs et d'arbres tout près des immeubles, ce qui les force à établir leurs terrasses en bordure de la rue. On s'étonne aussi du ciment pâle utilisé pour le trottoir, qui oblige les marchands à dépenser environ 30 000$ pour le nettoyer.

La Société de développement commercial travaille d'arrache-pied pour redorer l'image de la Main. Campagnes publicitaires, promotion sur l'internet, utilisation des médias sociaux, l'organisme ne ménage aucun moyen pour créer un nouvel engouement pour l'artère.

La campagne commence à porter ses fruits: le taux d'inoccupation a baissé à 6,2%, selon les derniers chiffres de Francis Blouin, ce qui est semblable au taux d'autres artères commerciales.

«On attaque le problème de plusieurs façons, explique-t-il. Ce n'est pas facile, on a perdu des plumes, mais si l'on continue à travailler, on va être capables de passer au travers.»