En fermant son premier dépanneur en voie d'être syndiqué, Alimentation Couche-Tard (T.ATD.B) a agi comme «un employeur pire que McDonald's et Wal-Mart», a accusé hier la CSN.

Soulignant le fait que la fermeture a eu lieu avant même le dépôt de la demande d'accréditation, vendredi dernier, la centrale syndicale demande l'intervention du ministre du Travail, Sam Hamad. «C'est du jamais vu, ça n'a pas de maudit bon sens, fulmine Roger Valois, vice-président de la CSN. Leur riposte n'a pas été cinglante, elle a été sanglante! C'est la méthode McDonald's et Wal-Mart, mais intensifiée.»

Alimentation Couche-Tard, qui compte 575 dépanneurs au Québec dont aucun n'est syndiqué, allègue de son côté avoir pris une stricte décision d'affaires. «Chaque trimestre, et ce, au cours d'un exercice de revue de performance par régions, nous évaluons la rentabilité de chacun de nos sites. Suite à cette évaluation, et dans un objectif d'optimisation du réseau, certains sites, dont celui de Beloeil, sont fermés», a expliqué par courriel Chantal Sajo, directrice communications-marketing de Couche-Tard. Il a été impossible de lui parler de vive voix.

L'entreprise reconnaît avoir félicité les employés de Beloeil quelques jours avant la fermeture «pour le volume de ventes». «Par contre, ce n'est pas parce qu'un magasin connaît de bonnes ventes à une période précise qu'il est rentable. Après cinq années d'efforts et d'initiatives, nous en sommes venus à la conclusion que nous devions fermer les portes de celui de Beloeil», précise Mme Sajo.

Vendredi dernier, les employés de la succursale de la rue Bernard-Pilon, à Beloeil, ont eu la mauvaise surprise de se heurter à des portes et fenêtres barricadées.

Les pompes à essence ont été retirées le même jour. Depuis l'été dernier, un employé de 19 ans, Étienne Béland, tentait de convaincre ses 25 collègues de se syndiquer.

«Je ne suis pas entré là avec l'idée de fonder un syndicat, mais quand j'ai vu les conditions de travail, le fait qu'il n'y avait aucun respect pour les employés, j'ai communiqué avec la CSN», explique l'étudiant au cégep de Saint-Hyacinthe, qui se décrit comme un «militant dans l'âme».

Il s'est dit convaincu qu'une écrasante majorité des employés de la succursale appuyaient la syndicalisation. Il a été congédié le 2 octobre dernier pour avoir fait de la sollicitation «pour de la syndicalisation sur les heures d'affaires».

«C'est un acte tout à fait illégal, mais Couche-Tard a décidé de le faire pour provoquer la crainte, pour mettre sur la défensive les travailleurs qui voudraient se syndiquer», affirme Roger Valois. La semaine dernière, cinq employés ont tout de même signé leur carte d'adhésion.

«(Étienne Béland) n'a pas été congédié parce qu'il a fait de la sollicitation dans un but de syndicalisation, mais plutôt parce qu'il a enfreint les paramètres de la loi en le faisant sur les heures de travail et qu'il a agi en mettant en danger la sécurité de ses collègues», assure Chantal Sajo.

La CSN demande au ministre Hamad de «jeter un coup d'oeil» à ce dossier. S'il est démontré que la fermeture de la succursale de Beloeil est liée à la syndicalisation, il faut que l'employeur soit rappelé à l'ordre, estime M. Valois. «Le droit de se syndiquer existe. Quand on le bafoue, il faut des sanctions qui fassent mal, sinon on envoie un message aux autres employeurs qu'ils peuvent faire la même chose et qu'il n'arrivera rien.»

Au cabinet du ministre du Travail, on a plutôt invité la CSN à porter plainte à la Commission des relations du travail. «S'il y a une partie qui se sent lésée, c'est la meilleure façon de régler le différend, dit Alexandre Boucher, attaché de presse du ministre Hamad. C'est expressément dans son mandat de se pencher sur des questions d'accréditation. Mais c'est important que le ministre reste neutre dans tout ça.»

Étienne Béland, quant à lui, retrouvera justement son ex-employeur devant la CRT le 18 décembre prochain, lorsque sa plainte sera étudiée.

En attendant, il touche 70% de son ancien salaire à même le Fonds de défense professionnelle de la CSN, qui a justifié cette aide exceptionnelle par le fait qu'elle n'avait «pas l'intention de laisser tomber» les jeunes employés licenciés.