L'intention du président américain Donald Trump d'imposer des taxes sur les quelque 60 milliards US d'importations chinoises pourrait aider les détaillants canadiens en diminuant les achats faits par les Canadiens aux États-Unis. Mais une véritable guerre commerciale entre les deux superpuissances nuirait ultimement à l'économie canadienne, selon des experts.

Selon le Conseil canadien du commerce de détail, les taxes américaines augmenteraient le prix des biens chinois vendus aux États-Unis, dont les produits électroniques, ce qui pourrait amener plus de Canadiens à magasiner chez eux.

Les États-Unis achètent l'équivalent de 500 milliards US de biens provenant de la Chine chaque année, allant des jouets, aux souliers, jusqu'aux téléphones cellulaires. Les prix de ces produits pourraient bondir en raison de l'imposition de taxes.

On ne sait pas pour l'instant quels secteurs seront affectés; une liste de produits devrait être fournie dans deux semaines. Les autorités américaines ont annoncé qu'elles tenteraient de minimiser l'impact sur les consommateurs américains en ciblant plutôt les biens achetés par les entreprises, dont des ordinateurs, des produits informatiques, de la machinerie industrielle et des pièces d'avions.

Mais même en évitant d'imposer des taxes sur les produits chinois achetés par les consommateurs, les entreprises pourraient tout de même refiler la facture aux clients, selon le vice-président du Conseil, Karl Littler.

La baisse de la demande pour des produits chinois pourrait aussi aider les détaillants canadiens à avoir de meilleurs prix auprès d'entreprises de la Chine qui tenteront d'éponger leurs pertes.

De plus, pour éviter les tarifs, les détaillants multinationaux, dont Costco, Best Buy et Walmart pourraient envoyer leurs produits directement au Canada plutôt que de les transporter aux États-Unis.

La présidente de l'Association canadienne des importateurs et exportateurs, Joy Nott, croit aussi que les Américains pourraient être tentés à acheter leurs produits au Canada.

«Ce ne sera pas par vagues, mais je crois que cela va niveler les activités transfrontalières», a-t-elle dit en entrevue.

Les produits canadiens qui sont semblables aux biens chinois pourraient aussi être préférés par les acheteurs américains.

Un jour après l'annonce de Donald Trump, la Chine a annoncé qu'elle pourrait en revanche imposer aux Américains des taxes sur le porc, les pommes et les tuyaux en acier.

D'autres représailles de la Chine pourraient ouvrir la porte à ce que des exportateurs canadiens remplacent de coûteux produits américains, notamment en agriculture.

«Cela pourrait aider les exportateurs canadiens de porc, a souligné l'économiste en chef de la CIBC, Avery Shenfeld. Nous pourrions finir par remplacer les États-Unis comme fournisseur de la Chine si la Chine impose des restrictions sur les produits américains.»

Le Canada pourrait en souffrir aussi

Cependant, un réchauffement des tensions entre les deux pays pourrait ralentir l'économie mondiale, selon M. Shenfeld.

Étant donné que le Canada est un pays qui dépend des exportations des produits de base, une économie chinoise plus faible finirait par nuire à son économie, puisqu'il y aurait moins de ventes et le prix des matières premières diminuerait, a ajouté l'économiste en chef du Conference Board of Canada, Craig Alexander.

«Les taxes comme elles sont annoncées représentent un point négatif, mais ce dont on s'inquiète le plus, c'est comment cela pourrait s'aggraver.»

Si cela arrive, il y a un risque que tout le système commercial mondial s'effondre, a indiqué Yves Tiberghien, de la Fondation Asie-Pacifique du Canada «Si le système commercial s'effondre vraiment, alors nous allons massivement en souffrir», a-t-il déclaré en entrevue depuis Washington.

M. Tiberghien prédit que les Chinois ne lâcheront pas le morceau. En conséquence, le gouvernement américain sera distrait par la Chine, ce qui pourrait avantager les négociations actuelles sur l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Les États-Unis ont récemment adouci le ton face au Canada, l'exemptant lui et le Mexique des tarifs imposés sur l'acier et l'aluminium, et faisant des compromis sur l'automobile dans le cadre des pourparlers sur l'ALENA.

«Alors le terrain est complètement différent par rapport à la semaine dernière.»