Avec son budget mardi, le ministre des Finances, Bill Morneau, répond aux interrogations de nombreux chefs d'entreprise. Le gouvernement avait provoqué une levée de boucliers en juillet 2017 en annonçant une série de propositions en vue de réformer la fiscalité des PME.

Plus de 21 000 mémoires avaient été soumis aux autorités à l'égard de leurs propositions lors de consultations tenues en octobre.

Pour savoir ce que le budget vient ou ne vient pas changer, La Presse a questionné Benoît Desjardins, associé fiscalité chez Deloitte à Montréal, et Stéphane Leblanc, fiscaliste chez EY.

Comme entrepreneur, peut-on encore fractionner son revenu avec son conjoint et ses enfants ?

Le gouvernement a répondu à la question en décembre dernier avec les propositions législatives relatives à la répartition du revenu. Le budget de mardi ne vient rien changer à cet égard.

En résumé, il est encore possible de fractionner son revenu, par exemple en versant un dividende, avec son conjoint ou ses enfants majeurs si ceux-ci consacrent au moins 20 heures par semaine à l'entreprise. Le fractionnement du revenu avec un enfant mineur n'est pas possible depuis des années.

C'est également possible de fractionner le revenu si les enfants, lorsqu'ils sont âgés de 25 ans et plus, détiennent au moins 10 % des actions de l'entreprise et qu'au moins 90 % du revenu d'entreprise provient de la prestation de services. Cette disposition ne s'applique toutefois pas aux sociétés professionnelles comme un médecin qui s'est incorporé.

Est-ce que le gouvernement a revu à la hausse le taux d'inclusion du gain en capital dans les revenus ?

Non, le budget est muet sur la question, en dépit des rumeurs. Le gain en capital reste imposable à 50 %.

A-t-on encore droit à une exonération sur le gain en capital à la vente de son entreprise ?

Oui, les dispositions exprimées en juillet 2017 qui remettaient en question ce gain en capital en franchise d'impôt ont été laissées de côté en décembre. Depuis, plus rien sur le sujet, y compris dans le dernier budget. 

Les propriétaires d'entreprise continuent donc d'avoir droit à une exonération cumulative de 848 000 $, à certaines conditions. Et cette exonération peut se multiplier entre membres d'une même famille pour une seule entreprise en fonction des structures mises en place.

Il a été question de convertir le gain en capital en dividendes ordinaires. Où en est-on ?

En juillet 2017, le gouvernement a introduit des propositions visant à convertir certains gains en capital (imposables à 50 %) en dividendes ordinaires (imposables à 100 %). En octobre, le pouvoir fédéral a annoncé qu'il n'entendait pas donner suite à ces propositions. M. Desjardins s'attend néanmoins à ce que le gouvernement revienne à la charge.

Va-t-on voir une augmentation du taux d'impôt sur le revenu passif de l'entreprise ?

Non, le taux d'imposition reste à 50 %, pour simplifier. Dans les propositions de juillet 2017, certains scénarios à l'étude avaient pour incidence de faire grimper le taux d'impôt du revenu passif. Finalement, ce n'est pas l'avenue retenue par le gouvernement dans son budget mardi.

Qu'est-ce qui change au sujet du revenu passif avec le budget ?

Le gouvernement Trudeau a choisi de réduire le plafond de 500 000 $ de revenus d'entreprise en deçà duquel le taux réduit d'imposition s'applique. À partir de 2019, quand une entreprise tire 150 000 $ de revenus de placement (« revenus passifs ») par année, elle perdra l'admissibilité au taux réduit de 9 %. L'entreprise sera imposée à 15 % sur son revenu net. Quand le revenu de placement est de 50 000 $ ou moins, il n'y aura aucun impact.

Entre 50 000 et 150 000 $ de revenus passifs dans une année, le plafond de 500 000 $ sera réduit de 5 $ pour chaque tranche de 1 $ de revenus de placement excédant 50 000 $. La mesure touche 50 000 sociétés.