La dernière salve du président américain Donald Trump contre le Canada n'envenimera pas le processus de modernisation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui risque de s'étirer au-delà de 2018, croit le négociateur du Québec, Raymond Bachand.

Selon l'ex-ministre québécois des Finances, ces «sorties spectaculaires» font tout simplement partie de la personnalité du 45e locataire de la Maison-Blanche.

«Il n'y a pas un gouverneur des États-Unis, pas un sénateur qui veut mettre fin à l'ALENA, zéro», a dit M. Bachand, mardi, en marge d'un événement organisé par le Conseil du patronat du Québec auquel il participait avec le négociateur en chef du Québec dans la négociation de l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne, Pierre Marc Johnson.

La veille, en dévoilant son plan sur les infrastructures, M. Trump s'était une fois de plus plaint des pratiques commerciales canadiennes et avait menacé d'établir une taxe sur les importations internationales, ravivant les craintes qu'il puisse imposer de nouveaux tarifs douaniers.

Cette sortie a incité la Maison-Blanche à y aller d'une tentative visant à désamorcer la menace du président Trump concernant les tarifs.

Au cours d'une mêlée de presse, M. Bachand a qualifié ces critiques de «tactiques de négociation» au moment où les États-Unis, le Canada et le Mexique tentent de s'entendre sur une nouvelle mouture du traité de libre-échange entré en vigueur en 1994.

«Je pense que l'ALENA va continuer, a-t-il dit. Peut-être que la modernisation va être difficile, mais la version de l'accord que l'on connaît va être là pendant encore fort longtemps.»

Néanmoins, en plus des obstacles à surmonter à la table des négociations, les pourparlers risquent d'être freinés cette année par l'élection présidentielle au Mexique ainsi que les élections de mi-mandat au sud de la frontière.

M. Bachand a expliqué qu'il était généralement plus «difficile» d'obtenir des «concessions majeures» d'un pays lorsqu'il y a une élection.

«Je m'attends à des avancées sur plusieurs chapitres, a lancé le négociateur québécois. Nous pourrions régler de façon définitive (en 2018), mais je ne m'attends pas à ça. Je ne m'attends pas à un retrait (des États-Unis) non plus.»

Un enjeu politique

De plus, avec les élections de mi-mandat qui auront lieu en novembre au sud de la frontière, le dossier pourrait devenir un enjeu politique à certains endroits, a souligné M. Bachand, rappelant que près de 9,5 millions d'emplois américains dépendaient du commerce avec le Canada.

Certains des représentants d'associations d'affaires présents à l'événement ont abondé dans le même sens que M. Bachand, estimant que les déclarations du président américain ne reflétaient pas nécessairement l'humeur à la table des négociations.

«Ce n'est qu'une sortie parmi tant d'autres, a dit le président de l'Association de l'aluminium du Canada (ACC), Jean Simard. C'est une impression qu'on peut avoir que le président tente de colorer les échanges.»

En dépit du contexte d'incertitude, M. Bachand a incité les dirigeants d'entreprises à continuer à cibler le marché américain, qui représente 71 % des exportations québécoises.

Même si des tarifs devaient faire leur retour à la frontière, près de 80 % des produits exportés aux États-Unis seraient frappés d'une taxe inférieure à cinq pour cent, a-t-il souligné dans sa présentation. Une taxe supérieure à 10 % ne s'appliquerait qu'à une minorité de biens.

Vanter l'immigration

Par ailleurs, MM. Bachand et Johnson en ont profité pour interpeller les dirigeants d'entreprises en les exhortant à s'immiscer dans le débat public afin de favoriser l'immigration pour pallier la rareté de main-d'oeuvre qui touche de nombreuses régions.

«C'est un paradoxe de voir le sentiment anti-immigration qui existe dans le Québec francophone hors Montréal alors que le défi numéro un de ces régions est le manque de main-d'oeuvre et que les entreprises ralentissent leurs investissements», a dit l'ancien ministre des Finances dans le cadre de sa présentation.

Selon lui, il s'agit d'une «mission» pour les chefs d'entreprises, qui doivent également améliorer leurs efforts de recrutement auprès des étudiants internationaux dès leur arrivée sur les campus universitaires.