Des regroupements de gens d'affaires du Canada s'inquiètent du discours résolument protectionniste qui domine les primaires américaines depuis plusieurs semaines. Surtout, ils jugent préoccupant de voir qu'aucun membre influent du camp républicain ou encore du camp démocrate ne croit opportun de réfuter les propos de Donald Trump ou encore de Bernie Sanders critiquant les accords de libre-échange.

À la Chambre de commerce du Canada (CCC), on surveille de près les discours de ceux qui aspirent à diriger la première puissance économique de la planète. Et on ne cache pas que les propositions de certains candidats pourraient bien provoquer le chaos économique si elles étaient mises en oeuvre.

Durant les primaires, l'homme d'affaires milliardaire Donald Trump, qui mène la course aux délégués du Parti républicain, a soutenu à plusieurs reprises que les États-Unis sont mal servis par les ententes de libre-échange. Il a aussi indiqué que s'il remporte l'élection présidentielle, il imposerait des tarifs sur les produits en provenance de la Chine pour éliminer le déficit commercial important qu'enregistrent les États-Unis avec ce pays.

Pour sa part, le candidat démocrate Bernie Sanders a fait cabale contre les ententes de libre-échange conclues par les autorités américaines. Ses dénonciations lui ont permis de causer une surprise en remportant la victoire dans l'État du Michigan, forçant sa rivale et meneuse de la course aux délégués démocrates Hillary Clinton à adopter un discours protectionniste. Mme Clinton a d'ailleurs fait savoir qu'elle s'oppose au Partenariat transpacifique, un accord commercial ambitieux qui inclut 12 pays, dont les États-Unis et le Canada.

«Je ne vais pas commenter les propos d'un candidat en particulier, mais nous nous attendons à ce que tous les pays, incluant les États-Unis, respectent les ententes commerciales en place», a indiqué Guillaum Dubreuil, directeur des affaires publiques à la CCC.

«Mais l'imposition de tarifs supplémentaires pourrait mener à une guerre commerciale qui aurait des impacts sur toute la chaîne de valeur. Ça pourrait vouloir dire que les produits transformés en provenance du Mexique pourraient coûter plus cher, faisant en sorte que les manufacturiers américains devraient augmenter les prix. Cela se répercutera sur les consommateurs et les entreprises canadiennes. C'est une situation à éviter à tout prix», a-t-il ajouté.

«Pensons notamment au secteur automobile, où les pièces automobiles traversent la frontière entre le Canada et les États-Unis de multiples fois entre le sud de l'Ontario et le Michigan lors du processus de construction. Ni un pays ni l'autre ne pourraient se permettre des tarifs supplémentaires», a-t-il aussi illustré.

La CCC souligne que le Canada et les États-Unis constituent les plus importants partenaires commerciaux et que les relations entre les deux pays s'étendent à de nombreux domaines.

«Nous souhaitons que le prochain président continue à travailler avec le Canada sur l'épanouissement de ces relations. Après tout, l'entente de libre-échange avec les États-Unis et l'ALENA sont de bonnes ententes qui ont permis aux économies des deux pays de croître parce qu'elles nous permettent de travailler ensemble, d'augmenter les projets transfrontaliers et de maximiser le commerce entre nos entreprises», a-t-il dit.

John Manley intervient

Le président du Conseil canadien des affaires, John Manley, a pour sa part pris la plume pour dénoncer les propos de Donald Trump et de Bernie Sanders dans un texte publié dans le magazine Options politiques.

«Je trouve troublant de voir l'absence de voix politiques aux États-Unis pour réfuter l'histoire de Trump-Sanders voulant que l'Amérique sorte toujours perdante du commerce et que les accords commerciaux constituent une menace à l'économie américaine. [...] Cette prémisse est erronée et on ne devrait pas permettre qu'elle fasse partie des faits établis», écrit M. Manley dans un long texte.

«Les Canadiens savent fort bien que les accords commerciaux ont leurs limites. Mais ces accords fixent les règles du jeu pour les pays qui les signent. À écouter Trump et Sanders, le gouvernement américain a dû recruter les négociateurs les plus incompétents du monde», a dit M. Manley, ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Jean Chrétien.