Le premier ministre Trudeau a laissé la porte ouverte lundi à la possibilité d'engendrer un déficit plus élevé que prévu afin de stimuler la croissance lors du prochain budget fédéral, tandis que la santé de l'économie canadienne soulève de plus en plus de préoccupations.

Les libéraux ont promis lors de la dernière campagne électorale d'investir des milliards de dollars supplémentaires dans les infrastructures du pays, ce qui les forcerait à engendrer un déficit de 10 milliards de dollars pour chacune des deux prochaines années. Ils visent un retour à l'équilibre à temps pour les prochaines élections en 2019-2020.

Or, l'état de l'économie canadienne s'est dégradé depuis l'automne: les prix du pétrole ont continué de baisser, de même que la valeur du dollar. Pendant ce temps, l'endettement des ménages canadiens augmente, les marchés boursiers battent de l'aile et les taux d'intérêt pourraient de nouveau être coupés par la Banque du Canada mercredi.

M. Trudeau a pris soin de ne pas écarter la possibilité d'endetter son gouvernement davantage pour tenter de redresser la situation, en marge d'une série de rencontres de son conseil des ministres à Saint-Andrews, au Nouveau-Brunswick. Il a toutefois apporté certains bémols à ce scénario, lors d'un point de presse où un journaliste lui a posé directement la question.

« On a toujours dit que d'être fiscalement responsable tout en créant de la croissance est au coeur de ce que représente le Parti libéral, et c'est exactement ce que nous allons faire, a déclaré le premier ministre. Nous avons toujours parlé du fait que le Canada a un ratio peu élevé de dette par rapport au PIB, et c'est une opportunité pour investir. Mais nous sommes aussi décidés à nous assurer que le ratio de la dette par rapport au PIB continue à diminuer au cours des prochaines années. »

M. Trudeau a refusé de dire s'il compte accélérer le dépôt de son premier budget pour répondre plus rapidement à la situation.

Quant à la possibilité de financer plus rapidement des projets d'infrastructure afin de stimuler l'économie dès maintenant, une solution avancée par certains au cours des dernières semaines, le ministre des Finances, Bill Morneau, a plutôt prêché la prudence.

Des 60 milliards de dollars supplémentaires promis par les libéraux sur 10 ans, seulement 17 seraient dépensés au cours des quatre prochaines années. Ces sommes s'ajoutent aux quelque 65 qui avaient déjà été engagés par le gouvernement Harper dans des programmes d'infrastructures existants.

Le gouvernement pourrait ainsi accélérer le choix de projets et augmenter les montants dépensés à court terme. Mais le ministre Morneau a montré peu d'appétit pour un tel financement tous azimuts.

« Notre objectif est de trouver des projets d'infrastructure qui selon nous pourraient augmenter la capacité de productivité à long terme du pays, a-t-il déclaré. Notre objectif est de le faire de manière responsable. Si nous trouvons un projet qui est responsable, qui peut nous aider avec cette productivité à long terme et qui est prêt maintenant, alors on aimerait aller de l'avant. »

Ces messages de constance et de stabilité lancés par les libéraux coïncident avec l'objectif de cette retraite du conseil des ministres: bien cibler les objectifs établis dans la plateforme électorale et savoir les atteindre, malgré un appareil bureaucratique qui est parfois lent à réagir et des crises ou imprévus qui s'invitent sans cesse dans l'ordre du jour des gouvernements.  

Les ministres libéraux ont invité un gourou de ces questions, Michael Barber, pour leur faire une présentation sur la manière d'ainsi obtenir des résultats dans l'administration publique. M. Barber était le premier fonctionnaire dans le gouvernement britannique de Tony Blair.