On appelle ça l'effet de levier. On emprunte pour augmenter son pouvoir d'acheter un actif qui, on en fait le pari, s'appréciera plus vite que le coût de la dette contractée.

Un prêt hypothécaire représente le meilleur exemple de cette technique. Jusqu'à maintenant, les Canadiens y ont eu recours avec succès au cours du présent millénaire. Ils étirent toutefois l'élastique de manière très hardie, au point où une hausse trop prononcée des taux d'intérêt ou une malchance telle la perte d'un emploi pourra les plonger dans une situation financière fâcheuse.

Au deuxième trimestre, la valeur nette des ménages en proportion de leur revenu disponible a atteint 768,37 %. Autrement dit, pour chaque dollar de revenu qui peut être utilisé pour les dépenses de consommation ou pour l'épargne, un ménage canadien détient en moyenne 7,68 $ d'actif en tout genre (maison, voiture, épargne-retraite, etc.).

Il s'agit d'un sommet depuis que Statistique Canada a commencé la publication de cette série, en 1990.

Pour parvenir à s'enrichir de la sorte, les ménages canadiens empruntent. Ils ont alourdi leur dette de 26,3 milliards au deuxième trimestre, soit 3,7 milliards de plus que ce qu'ils y avaient ajouté durant l'hiver. Leur dette totale (hypothèques, prêts-autos, cartes de crédit) s'élève à 1874 milliards, soit à peine moins que la taille de l'économie canadienne qui flirte avec la barre des 2000 milliards depuis un an.

Cette dette ne correspond toutefois qu'à 17,85 % de la valeur de leur actif.

Pour mieux comprendre l'effet de levier, disons que pour chaque dollar de dette, un ménage canadien détient 5,59 $ d'actif en contrepartie.

Néanmoins, l'endettement a progressé un peu plus rapidement que l'appréciation des actifs au deuxième trimestre. Si bien que le ratio de la dette des ménages sur leur revenu disponible est passé de 163 % à 164,6 %. Il s'agit d'un nouveau sommet là aussi.

Les ménages canadiens sont aujourd'hui plus endettés que les américains qui n'ont cessé d'améliorer leur bilan. Il faut rappeler qu'ils ont été plus durement frappés par la grande récession de 2008-2009 qui a fait fondre la valeur de leur maison.

Statistique Canada a développé une méthode pour comparer le ratio d'endettement des ménages américains selon les critères canadiens qui excluent du revenu disponible le budget qu'ils doivent consacrer à leur couverture pour les soins de santé. Le taux obtenu est de 147,5 %, soit 17,1 points de pourcentage de moins que les Canadiens.

Pour l'instant, le taux d'endettement des Canadiens paraît tout à fait gérable. La faiblesse des coûts d'emprunt rend le poids des paiements des intérêts sur cette dette exceptionnellement léger. Il représente seulement 6,3 % du revenu disponible, un creux historique.

En revanche, le ratio du service de la dette, qui correspond au total des paiements obligatoires du principal et des intérêts, par rapport au revenu disponible atteint désormais 14,1 %, ce qui dépasse la moyenne historique (depuis 1990) de 12,4 %.

Ce ratio peut susciter de l'inquiétude à première vue. Pourtant, puisque le poids des intérêts est faible, il signifie que la part consacrée au remboursement du principal grandit, ce qui est plutôt sain.

Les comptes du bilan national au deuxième trimestre publiés hier montrent aussi l'évolution de la dette publique. De ce côté, on constate une augmentation du déséquilibre fiscal entre Ottawa et les autres administrations. D'avril à juin, Ottawa a dégagé un excédent de 4 milliards alors que provinces et territoires ont dû réaliser des emprunts nets de 16,5 milliards.

Depuis le début de l'année, la dette nette d'Ottawa est devenue inférieure à celle des autres administrations. La première équivaut à 31 % de la taille de l'économie (le produit intérieur brut nominal) alors que la seconde atteint 32,2 % et paraît promise à une jolie croissance durant plusieurs trimestres encore.

Cela devrait normalement susciter un joli débat durant la campagne électorale entre les tenants d'un ménage nécessaire dans les finances publiques provinciales et ceux qui réclament un partage plus équitable de l'assiette fiscale.

INFOGRAPHIE LA PRESSE