L'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE) n'est pas en péril malgré les réticences exprimées par le secrétaire d'État au Commerce extérieur de la France, assure Ottawa.

Dans une entrevue accordée au quotidien Le Devoir, Matthias Fekl a prévenu que son gouvernement souhaite renégocier la clause permettant aux entreprises d'intenter des poursuites contre les États.

Si Paris fait «des propositions» et que celles-ci ne sont pas reprises, «il n'y aura pas de majorité en France pour ratifier ce traité», a affirmé celui qui parle au nom de son gouvernement.

Il ajoute que la France n'est pas le seul pays membre de l'UE à s'opposer au mode de règlement des différends contenu dans l'accord économique et commercial global (AECG), qui doit être ratifié à l'unanimité par les 28 États membres de l'UE.

Au bureau du ministre du Commerce international, Ed Fast, on assure que l'entente n'est pas en péril, même si l'Allemagne, avant la France, avait soulevé des préoccupations face à cette clause.

«L'Union européenne a réitéré son engagement à l'égard de l'accord négocié à maintes reprises», a écrit dans un courriel l'attaché de presse du ministre, Max Moncaster.

L'entente en est actuellement à l'étape de la révision juridique, et le Canada a la ferme intention de la ratifier afin d'en faire bénéficier les entreprises et les travailleurs, a-t-il spécifié.

Et Ottawa tient au mécanisme de règlement des différends, qui «permet de faire en sorte que les investisseurs soient traités de manière équitable, et ce, des deux côtés de l'Atlantique», a écrit M. Moncaster.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, se montre critique face à cette clause.

Dans un discours prononcé en France le 7 décembre dernier, il a en outre déclaré que «l'Europe ne doit pas se laisser enfermer dans un accord qui contient une telle disposition».

Il a ajouté que le gouvernement conservateur actuellement en poste «met en péril la survie même du projet» en raison de son «aveuglement idéologique».

«Ma formation politique s'oppose donc à l'inclusion d'un tel mécanisme dans l'accord Canada-Europe», avait-il lancé lors de cette allocution.

L'accord de libre-échange a été signé en septembre dernier à Ottawa par le premier ministre canadien Stephen Harper, l'ex-président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et l'ex-président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, dans le cadre d'un sommet Canada-UE.

Après la phase de révision juridique actuellement en cours, l'AECG devra être traduit dans les langues officielles des pays membres de l'UE avant le début du processus de ratification.

Au Parti libéral du Canada (PLC), on a encore une fois accusé M. Harper d'avoir célébré trop vite un accord qui, dans les faits, est loin d'être conclu.

«Là, ce qu'on entend, c'est que des pays européens disent que ce n'est pas tout à fait réglé, contrairement à ce que le gouvernement prétendait», a plaidé la porte-parole du parti en matière de commerce international, Chrystia Freeland.

«Notre position, c'est que globalement, c'est une entente importante pour le Canada», a-t-elle néanmoins poursuivi, sans toutefois dire s'il serait nécessaire de renégocier la clause controversée.

Vers la fin septembre, lorsque les réticences allemandes ont commencé à circuler, le négociateur en chef pour le Québec, l'ancien premier ministre Pierre Marc Johnson, soutenait qu'il s'agissait essentiellement là d'un désaccord de politique intérieure.

Quelques mois plus tard, à la mi-mai, il reconnaissait «que le temps de discuter de possibles aménagements était arrivé», écrivait lundi matin Le Devoir - en déplacement en Europe, M. Johnson n'était pas disponible pour une entrevue, lundi.

Selon le gouvernement fédéral, l'entente commerciale permettra de créer l'équivalent de 80 000 nouveaux emplois - ou une augmentation annuelle de 1000 $ par famille canadienne - en plus d'injecter annuellement 12 milliards $ dans l'économie du Canada.