L'ancien premier ministre Pierre Marc Johnson et ses collaborateurs ont réclamé plus de 3 millions depuis 2009 dans le cadre des négociations pour l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne.

M. Johnson avait été nommé négociateur en chef du Québec par l'ancien premier ministre Jean Charest en 2009.

Le cabinet Heenan Blaikie puis Lavery de Billy ont réclamé 3 076 757 $ au gouvernement provincial, selon des documents obtenus grâce à la Loi d'accès à l'information. Ce montant comprend les honoraires, les frais de déplacement et d'hébergement et de repas de M. Johnson ainsi que ceux de trois collaborateurs. Les honoraires et frais de M. Johnson représentaient la moitié de la facture, soit 1,6 million, en date de décembre 2014.

M. Johnson a indiqué à La Presse qu'il comptait aussi sur les services d'une avocate qui a mené diverses recherches en plus de prendre part aux négociations. Une personne spécialisée en commerce international effectuait une «vigie» des autres négociations en cours. Une troisième personne, un ancien fonctionnaire du gouvernement fédéral spécialiste du commerce extérieur, a aussi été mise à contribution, selon M. Johnson.

Taux horaire

«Mon taux horaire a d'ailleurs été réduit du tiers par rapport au taux horaire normal à mon cabinet, a précisé M. Johnson. Mon taux horaire normal comme avocat-conseil est normalement de 650 $ de l'heure.» En incluant ses collaborateurs, il estime que le taux horaire était en moyenne de 325 $. Il ajoute que ses collègues n'ont pas travaillé à temps plein sur ce dossier.

«Dans mon cas, certaines années, ce travail représentait 75 % de mon temps, mais dans la dernière année, ça représente plutôt 20 %, soit quelques heures par semaine à peine, à l'exception de deux missions que j'ai dû faire en Europe», explique-t-il.

«Quant aux notes de frais, elles concernent essentiellement des hôtels, des avions et de petites indemnités journalières. Une année, en 2013 je crois, j'ai dû me rendre en Europe 20 fois», souligne l'ancien premier ministre.

Un accord a été conclu entre le Canada et l'Europe en septembre 2014, mais il n'a toujours pas été ratifié. Le mandat de M. Johnson n'est donc pas encore terminé et quelques factures s'ajouteront au total en 2015.

Sans parler de négociations difficiles, M. Johnson souligne que la bureaucratie de la Commission européenne représentait un défi. Il faut dire aussi que la négociation avec le Canada n'était qu'un des très nombreux dossiers de la communauté européenne.

«Perte d'expertise»

Le député de Québec solidaire Amir Khadir déplore la «légèreté» avec lequel l'argent public a été dépensé dans ce dossier, a-t-il indiqué. «Ça m'horripile, a-t-il réagi. Ça témoigne aussi de la perte d'expertise dans le domaine public.»

M. Johnson plaide qu'il fallait une personne comme lui qui connaît bien la politique et qui a des relations avec le monde politique ici comme en Europe. «Les fonctionnaires ne peuvent pas se permettre de parler à des élus à l'étranger. Moi, je peux le faire [...] Le titre d'ancien premier ministre donne des privilèges de circulation entre les bureaucrates et les politiques», dit-il.

«Certes, un négociateur pour un dossier aussi important et complexe coûte cher et les coûts engendrés ne sont pas anormaux», a déclaré Antonine Yaccarini, porte-parole du Parti québécois. Le PQ précise toutefois qu'il souhaitait y mettre fin au moment de l'entente de principe. «Il avait fait un bon travail», précise-t-elle.

M. Johnson souligne que le gouvernement de Mme Marois tout comme celui de M. Couillard ont renouvelé son contrat et que son travail ne se termine qu'à la ratification de l'accord.

«Cet accord économique, dont nous souhaitons la ratification rapidement, constitue un partenariat historique dont le Québec a été un ardent promoteur», a déclaré Melissa Turgeon, attachée de presse au cabinet du ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations. «Le marché européen, avec ses 500 millions de consommateurs, est le 2e partenaire économique du Québec après les États-Unis.»

La Coalition avenir Québec, qui avait déjà dénoncé le recours à une expertise externe dans ce dossier, n'a pas souhaité réagir hier.

- Avec la collaboration de Serge Laplante, La Presse