Dans un effort de transparence et d'approfondissement de la dynamique du système financier canadien, la Banque du Canada vient de dévoiler sa nouvelle méthodologie pour en apprécier les risques et leur dynamique.

La plus récente livraison semestrielle de sa Revue du système financier met l'accent sur les trois vulnérabilités susceptibles d'interagir sur les quatre grands risques actuels qui pèsent sur notre système financier, jugé avant tout sain et robuste. En somme, la Banque distingue désormais plus clairement les causes (vulnérabilités) et les effets (risques) capables de le bouleverser.

Dans sa présentation, le gouverneur Stephen Poloz a souligné que «la stabilité financière et les perspectives au sujet de la croissance économique et de l'inflation sont étroitement liées».

Si cette relation peut sembler une évidence aux yeux de plusieurs, c'est peut-être la première fois que le gouverneur la souligne autant.

Depuis son entrée en fonction, il y a un an, il avait avant tout concentré ses interventions sur la maîtrise de l'inflation et les inquiétudes que la faible augmentation du coût de la vie suscitait.

On cherchera en vain dans la Revue tout indice sur la conduite future de la politique monétaire. En revanche, on comprend mieux pourquoi les autorités monétaires accordent tant d'importance aux déséquilibres présents sur le marché du logement et au niveau d'endettement des ménages, deux des vulnérabilités de l'économie canadienne, la troisième étant son ouverture qui prête flanc à des chocs externes potentiels.

Ces points faibles étant clairement cernés, il en découle que le risque le plus important à la croissance canadienne, jugé stable et moyennement élevé, est une forte correction du prix des maisons.

Deux autres risques sont qualifiés de modérés, soit la hausse abrupte des taux d'intérêt à long terme et l'augmentation des fragilités dans le secteur bancaire traditionnel et parallèle, en Chine. La Banque souligne que ce risque a augmenté en six mois.

Enfin, les tensions financières dans la zone euro restent considérables et représentent un risque moyennement élevé. La Banque note cependant que ce risque a diminué en six mois, en dépit de la crise ukrainienne.

Cette présentation faite, son grand intérêt réside dans la mise en mouvement de ces vulnérabilités et risques.

Ainsi, si le risque chinois se matérialisait, il s'ensuivrait une baisse de la demande mondiale des produits de base et la chute de leurs prix. Or, lit-on dans la Revue, «les six grandes banques canadiennes émettent environ 70% de l'ensemble des prêts canadiens destinés au secteur des produits de base et à peu près la moitié de ces prêts ont été accordés à des entreprises étrangères des secteurs des mines et de l'énergie».

La chute des cours des produits de base transformerait plusieurs prêts en mauvaises créances, fragilisant d'autant l'octroi de crédit aux ménages et le renouvellement des prêts hypothécaires dont beaucoup sont à taux variable et grimperaient.

S'il est vrai que la faiblesse présente des taux diminue le service de la dette des ménages, le portrait change quand on considère aussi le remboursement du capital.

La hausse subite des taux placerait beaucoup de familles en défaut de paiement, surtout que les sociétés minières et pétrolières seraient enclines à multiplier mises à pied et licenciements.

On devine avec horreur la suite.

Vulnérabilités et risques peuvent interagir de multiples autres façons et même se catalyser les unes les autres.

La Revue note aussi que deux éléments sont susceptibles de se muer en facteurs systémiques dans l'évaluation de la santé du système financier.

Le marché immobilier commercial est beaucoup financé par des produits et des institutions peu réglementés, où l'effet de levier reste très important.

Les cyberattaques se multiplient tandis que s'étend le cyberespionnage dans un monde de plus en plus interconnecté. La Banque surveille de près les mécanismes de cyberdéfense que les institutions tentent de mettre en place pour assurer la poursuite de leurs activités en cas de choc.

Durant les années Trudeau, la maîtrise de l'inflation passait par un gel des prix et des salaires pour contrer les demandes d'indexation.

Le monde n'est plus aussi simple, mais le système financier canadien se porte bien.

Pour l'instant.