À l'examen des données de l'expansion de l'économie canadienne au premier trimestre, on peut se demander si les entreprises perdent le goût d'entreprendre.

Leurs investissements en usines et en matériel ont diminué de 2,0% en rythme annuel durant l'hiver. En un an, ils accusent un repli de 0,9%.

Ce manque d'audace ou d'attrait pour le risque calculé aura fortement contribué à contenir l'expansion réelle de l'économie canadienne à 1,2% seulement au premier trimestre, selon les données de Statistique Canada. Il s'agit d'une nette décélération par rapport à la poussée de 2,7% observée durant les trois mois d'automne et l'expansion la plus faible en cinq trimestres.

Mince consolation, l'économie américaine a fait bien pire avec un recul annualisé de 1%, le premier en trois ans.

Certes, la météo exécrable a perturbé l'activité économique des deux côtés de la frontière. Voilà sans doute pourquoi la valeur des investissements en bâtiments résidentiels a chuté de 6,3%.

Elle peut aussi en partie expliquer le ralentissement de la consommation des ménages dont la croissance à 1,2% marque le troisième coup de frein d'affilée.

Il y a bien sûr aussi les efforts des provinces non pétrolières pour restaurer leurs finances publiques qui diminuent depuis un an, maintenant les contributions gouvernementales à l'expansion.

Le mauvais temps n'explique quand même pas tout, surtout que le Canada est plus familier avec les rigueurs de l'hiver que son grand voisin.

On comprend mal ainsi la chute de 5,8% des investissements en machines et matériel, notamment la plongée de 16% des achats d'ordinateurs et de matériel périphérique et celle de 14% du matériel de transport sur roues. L'augmentation de 3,6% des commandes en machines et matériaux industriels ne doit pas faire oublier qu'elle survient après cinq baisses trimestrielles d'affilée.

La rentabilité des entreprises n'est pas en cause. L'excédent d'exploitation net des entreprises non financières (le concept statistique utilisé dans le calcul des comptes nationaux mesuré en dollars enchaînés) était en hausse pour le troisième trimestre d'affilée, durant hiver.

Plus concrètement, les statistiques financières des entreprises publiées mardi faisaient état d'un bond de 33% en rythme annuel des bénéfices d'exploitation au premier trimestre, la meilleure performance en trois ans. Même les profits annuels des fabricants ont augmenté, une première depuis la fin de 2011.

La baisse du dollar canadien y est pour quelque chose puisqu'elle gonfle les recettes des exportateurs. Voilà aussi pourquoi la croissance du premier trimestre exprimée en dollars courants - le produit intérieur brut (PIB) nominal en jargon économique - a bondi de 6,8%.

Cela représente une manne pour le gouvernement fédéral puisque le PIB nominal est la meilleure estimation de la variation de l'assiette fiscale.

Comme le gros de cette augmentation vient des prix de l'énergie, l'assiette des provinces non pétrolières comme le Québec ou l'Ontario aura sans doute augmenté beaucoup moins.

La contribution négative répétée des entreprises à la croissance a cette fois-ci plongé la variation de la demande intérieure finale dans le rouge pour la première fois depuis la récession.

Cela a de quoi inquiéter la Banque du Canada. Dans son communiqué du 16 avril, elle a réaffirmé que les moteurs de la croissance vont continuer de se raffermir, si on observe un redressement des investissements et des exportations.

À coup sûr, ce n'est pas le cas des premiers.

Ce ne l'est pas plus des secondes. Les volumes d'exportations ont diminué de 2,4% durant le trimestre, tandis que ceux des importations plongeaient de 7,2%.

On peut raisonnablement blâmer la météo ou la grève au port de Vancouver, mais c'est un peu court. Le froid polaire n'a-t-il pas stimulé les exportations d'énergie?

Au net, comme les importations ont diminué davantage que les exportations, le commerce international aura été le principal contributeur à l'expansion au premier trimestre, malgré sa diminution. Sans cette heureuse anomalie, l'économie aurait décru.

La variation des stocks, qui restent élevés, n'a pas eu beaucoup d'incidence sur la croissance cette fois-ci.

Mesurée par industrie, la production de biens et services a augmenté de 0,1% en mars, comparativement à 0,2% en février et 0,4% en janvier.

Le printemps économique canadien a donc commencé sans élan, mais encore porté vers l'avant, tout de même.