Si les prix à la pompe vous semblent trop élevés ces jours-ci, les pétrolières, les raffineurs et les détaillants ne sont pas les seuls à maudire. La baisse du dollar canadien, qui a flirté avec les 90 cents US la semaine dernière, y est aussi pour quelque chose.

Le pétrole se vend et s'achète en dollars américains. La dégringolade récente du huard fait sûrement le bonheur des producteurs de pétrole de l'Alberta, qui voient leur profit augmenter, mais tous ceux qui achètent du pétrole souffrent de la baisse de la devise.

Le coût du transport augmente aussi pour les manufacturiers qui exportent leurs produits aux États-Unis, réduisant ainsi les bénéfices qu'ils peuvent espérer tirer d'une hausse de leurs ventes.

La réalité des entreprises d'aujourd'hui est complexe. C'est pourquoi il faut attendre un peu pour applaudir à tout rompre la perte de valeur du dollar canadien, estime le président des Manufacturiers et exportateurs du Québec, Simon Prévost.

Une baisse de la valeur du dollar ne se traduit pas automatiquement par une hausse des profits et une augmentation des ventes des produits canadiens, comme le veut la théorie.

«Ce n'est pas comme une chute de prix chez Walmart. Il faut que le dollar soit bas pendant une période relativement longue et reste stable pour que les exportateurs en retirent des bénéfices», explique-t-il.

Ces bénéfices peuvent aussi varier énormément d'une entreprise à l'autre et selon les secteurs d'activité. Le prix des composants importés dans un produit fabriqué au Canada peut augmenter, ce qui vient réduire le gain que le fabricant peut espérer de la baisse du dollar.

«Si une entreprise vend un produit très spécialisé dans un marché où il n'y a pas beaucoup d'acheteurs, elle n'en vendra probablement pas plus, même si son prix devient plus attrayant avec la baisse du dollar canadien», illustre encore Simon Prévost.

Un impact dur à mesurer

En théorie, la baisse du dollar canadien devrait profiter à Hydro-Québec, dont les exportations en dollars américains auront pour effet d'augmenter ses profits. En réalité, ce n'est pas si sûr. La société d'État se sert d'outils financiers pour se protéger des fluctuations du dollar, ce qui limite les gains qu'elle peut espérer d'une baisse rapide.

On peut aussi souligner que les importations d'électricité en dollars américains qu'Hydro-Québec a dû faire pendant les périodes récentes de grands froids ont probablement réduit la rentabilité de l'entreprise.

Il est très difficile de mesurer l'impact réel de la baisse du dollar, souligne Hendrix Vachon, économiste senior de Desjardins. C'est vrai pour les entreprises, mais aussi pour les consommateurs.

«Certains prix s'ajustent rapidement. C'est le cas du pétrole et des fruits et légumes frais [qu'on importe beaucoup des États-Unis en hiver], par exemple. D'autres peuvent prendre du temps à s'ajuster, comme les prix des vêtements.»

Certains économistes se risquent à calculer cet impact, malgré la complexité de l'exercice. C'est le cas de l'économiste en chef de BMO Marchés des capitaux, Doug Porter. Il estime que la baisse du dollar (10% depuis un an) pourrait se traduire par une augmentation de 0, 5 à 1,0% par année du produit intérieur brut canadien.

Desjardins ne fait pas ce genre d'estimation. Son équipe d'économistes croit toutefois que l'effet total de la baisse du dollar sera positif pour l'économie canadienne. «On a beaucoup consommé et on s'est beaucoup endettés, dit Hendrix Vachon. On a maintenant besoin de réduire nos importations et d'exporter davantage.»

La chute du dollar ne devrait pas durer, selon Desjardins, qui se range du côté des optimistes. Le dollar ne baissera pas jusqu'à 80 cents. Il perdra peut-être encore de sa valeur à court terme, souligne Hendrix Vachon, mais, à moyen terme, il devrait évoluer entre 90 et 94 cents US. Quant au retour de la parité, il faut oublier ça, selon lui. C'est toujours ça de gagné pour nos exportateurs.