Presque 25 millions pour les patrons de BCE/Bell Canada. Dix millions pour le seul président de la Financière Power. Ailleurs, deux fois plus de millions pour le président de Couche-Tard et 80% de plus pour le président de Québecor.

À n'en pas douter, les rémunérations multimillionnaires continuent de s'élever parmi les patrons des plus grandes entreprises du Québec inc. À tort ou à raison, selon les points de vue.

Mais pour leurs actionnaires, la saison des assemblées annuelles qui s'amorce est le moment privilégié pour porter attention aux salaires et primes consentis aux dirigeants.

Et, s'il y a lieu, de poser des questions. Ou de s'opposer même à cette rémunération, comme l'ont fait de façon spectaculaire les actionnaires de Barrick Gold au cours de leur récente assemblée à Toronto.

Les actionnaires du plus important producteur d'or du monde, qui vaut 19 milliards de dollars à la Bourse de Toronto, ont voté à plus de 80% contre sa politique de rémunération des dirigeants. En particulier contre la "prime à l'embauche" de 11,9 millions versée au nouveau coprésident du conseil de Barrick, John Thornton.

De plus, ce rejet massif des actionnaires est survenu quelques jours après une déclaration publique en ce sens faite par les principaux gestionnaires de fonds de retraite du pays, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Cette déclaration commune était sans précédent au Canada. Elle a aussi ramené à l'avant-scène le sujet souvent controversé de la rémunération des dirigeants d'entreprise.

Controversé dans l'opinion publique lorsqu'il implique des gros montants multimillionnaires en salaires, en primes et en options d'achat d'actions qui semblent excessifs par rapport à la réalité économique et sociale.

Controversé aussi dans le milieu plus spécialisé des gestionnaires de placements et de fonds d'investissement. Les meilleurs d'entre eux s'intéressent de plus en plus à la rémunération des dirigeants d'entreprises où ils investissent, et surtout les critères qui servent à déterminer cette rémunération.

Dans ce contexte, où en sont les plus grandes entreprises de Québec inc. en Bourse? Lesquelles sont les plus généreuses envers les hauts dirigeants?

Et quels présidents de Québec inc. sont le plus chèrement rémunérés?

Pour s'y retrouver, La Presse Affaires a effectué un relevé exhaustif parmi les entreprises québécoises de Québec inc. qui valent plus de 1 milliard en Bourse. Les principaux résultats sont présentés dans les tableaux ci-contre.

Mais comme entrée en matière, voici quelques faits saillants.

Club des 20 millions

Trois entreprises font désormais partie du club très sélect des «plus de 20 millions» en rémunération parmi leurs cinq plus hauts dirigeants, selon les normes réglementaires de divulgation. Il s'agit des deux colosses des services financiers, le groupe Power et la Banque Nationale, ainsi que du géant des télécoms BCE (Bell).

Les présidents de deux de ces entreprises, George Cope chez BCE et Jeffrey Orr à la Corporation financière Power, sont aussi les plus chèrement rémunérés de tout le Québec inc. Ils ont obtenu respectivement 11,1 millions (+14%) et 10,0 millions (+29%).

Par ailleurs, 17 entreprises québécoises d'importance font désormais partie du club sélect des "10 millions et plus" en rémunération totale parmi les hauts dirigeants.

Gros gains individuels

Parmi les présidents de Québec inc. les plus rémunérés, c'est le grand patron d'Alimentation Couche-Tard, Alain Bouchard, qui arrive en haut de la liste des plus fortes augmentations obtenues en 2012.

Sa rémunération a plus que doublé (+118%), à 7,2 millions, pour un exercice durant lequel Couche-Tard a réalisé une autre énorme acquisition: Statoil Fuel&Retail, en Europe du Nord.

En deuxième place dans cette liste, on retrouve Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Québecor. Sa rémunération a bondi de 80%, à 8,2 millions, pour l'exercice 2012, alors que le bénéfice net de Québecor reculait de 17%.

M. Péladeau a obtenu cette rémunération quelques mois avant d'annoncer qu'il cédait son poste à Robert Dépatie, président de Vidéotron, plus grosse filiale de Québecor. Et qu'il acceptait la nomination à la présidence du conseil d'Hydro-Québec, tout en déclinant la rémunération qui vient avec.

Du mieux, du pire

Selon les analystes, la rémunération des hauts dirigeants doit évoluer en fonction des résultats concrets de leur gestion pour l'entreprise et ses actionnaires.

À ce sujet, deux détaillants de grande notoriété, Jean Coutu et Dollarama, se montrent les plus raisonnables depuis trois ans. La rémunération des dirigeants de Coutu a progressé de 23%, alors que son bénéfice net a rebondi du double (+105%) et que ses actionnaires se sont renfloués de 111%.

Chez Dollarama, la rémunération a progressé de 21% seulement, alors que le bénéfice net a crû de 89% et que les actionnaires ont presque triplé leur mise (+196%) en trois ans.

En contrepartie, les pires écarts de conduite depuis trois ans reviennent à SNC-Lavalin et à la société d'assurance Industrielle Alliance. Chez cette dernière, la rémunération des dirigeants a presque doublé (+ 84%) durant une période où les actionnaires ont obtenu un rendement d'à peine 28%, nettement inférieur au marché.

Chez SNC-Lavalin, la rémunération des dirigeants s'est accrue de 19% durant les trois exercices où son bénéfice net a fortement régressé et où ses actionnaires ont subi un rendement négatif de 16%.

Consultez nos tableaux sur la rémunération des patrons dans La Presse+ et dans notre édition papier.