La faiblesse relative de la productivité canadienne en comparaison de l'américaine, au cours des 20 dernières années, aura coûté l'équivalent de 8500$ par habitant, en 2008. En outre, le revenu personnel disponible aurait été plus élevé de 7500$, tandis que les bénéfices des entreprises et les recettes fiscales d'Ottawa auraient augmenté respectivement de 40 et 30%.

Telles sont les conclusions qui se dégagent d'une simulation faite par Alan Arcand et Mario Lefebvre, du Conference Board du Canada. À partir de leurs recherches sur cette énigme qu'est la faible productivité canadienne, ils ont tenté de mesurer combien nous serions plus riches si nous avions eu des gains de productivité identiques à ceux des États-Unis.

Pour effacer les variations du taux de change qui ont été énormes durant la période, ils ont utilisé la méthode des parités de pouvoir d'achat. Ils ont aussi fait abstraction des variations du nombre d'emplois qui auraient découlé d'une productivité plus grande. Ils ont cependant calculé que, pour maintenir le rythme des gains de productivité américains, les entreprises canadiennes auraient dû investir 33 milliards de dollars de plus durant la période.

Le capital physique et le capital humain

Pour arriver à leurs fins, ils ont circonscrit le concept de productivité à l'entreprise. «Il existe seulement deux façons d'améliorer la productivité: investir dans le capital physique (machinerie, édifices) et développer le capital humain (les effectifs), écrivent-ils. D'autres facteurs potentiels comme la densité urbaine, la taille moyenne des entreprises et le degré d'urbanisation n'ont pas montré d'influence statistiquement significative.»

La notion de capital humain semble exclure la haute direction. Or, il appert que la scolarité moyenne des chefs d'entreprise américains serait plus élevée, ce qui leur permet d'utiliser des logiciels plus complexes et plus performants pour organiser la production. C'est ce qu'on appelle la productivité multifactorielle.

Ils écartent aussi toute la dimension des politiques publiques (fiscalité, état des infrastructures, ouverture à l'investissement direct étranger, etc.) de l'équation. Pourtant, l'intervention bonne ou mauvaise de l'État ou son laissez-faire agissent sur l'efficacité des entreprises.

Ainsi, tout plaide pour stimuler la recherche et le développement, mais les résultats en ce sens ne sont pas égaux. «Les mesures adoptées par Québec sont plus généreuses que le père Noël», ironise Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) rattaché à HEC Montréal.

Retard du Québec

Le CPP vient tout juste de publier son Bilan 2011, en matière de productivité. Ses conclusions vont dans le sens de celles du Board, mais elles sont centrées sur le Québec plutôt que le Canada.

Les retards pris par la société distincte entre 1981 et 2011 par rapport aux pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ont fait progresser bien moins vite notre niveau de vie, défini comme le produit intérieur brut (PIB) par habitant. «En 1981, le niveau de vie maximal (Suisse) était de 56% supérieur à celui du Québec, alors qu'aujourd'hui, le plus haut niveau de vie parmi les pays de l'OCDE choisis (Norvège) dépasse de 72% le niveau québécois», y lit-on. Le grand responsable du creusement de l'écart est la faiblesse de la croissance de la productivité.

Exprimé en dollars, ce recul relatif représente quelque 12 000$ par habitant (52 183$ comparativement à 40 174$ actuellement).

Le CPP fait aussi le constat que le niveau québécois est inférieur de 7456$ au PIB par habitant canadien. De cette somme, 4306$ seraient attribuables à une plus faible productivité du travail définie comme le PIB par heure travaillée. Les autres facteurs sont l'intensité du travail ou le nombre d'heures travaillées par emploi et le taux d'emploi, c'est-à-dire la proportion de gens de 15 ans et plus qui détiennent un emploi. Le Québec est plus faible que la moyenne canadienne à ces deux chapitres.