La confiance déclinante des ménages et des entreprises envenime le marché du travail qui, après quelques mois en dents de scie, s'est brusquement détérioré, présageant un nouveau ralentissement économique cet automne.

Pour un deuxième mois d'affilée, le nombre d'heures travaillées a reculé en octobre, cette fois-ci de 0,2 %, a indiqué Statistique Canada, tandis que le secteur privé réduisait ses effectifs pour un troisième mois d'affilée.

Au net, on comptait 54 000 emplois de moins en octobre qu'en septembre, tous à temps plein de surcroit, surtout dans les segments névralgiques de la fabrication (-48 400) et de la construction (-20 100).

Le taux de chômage a grimpé de deux dixièmes seulement à 7,3 % car 13 800 personnes ont renoncé à se chercher activement un emploi.

Ces mauvais chiffres qui ont pris de court tous les prévisionnistes effacent presqu'au complet les 60 900 emplois de plus recensés en septembre. « Il s'agit du pire bilan depuis février 2009 où l'économie était en récession, déplorent Matthieu Arseneau et Krishen Rangasamy, économistes à la Banque Nationale. De fortes baisses ont été enregistrées dans l'emploi à temps plein (-72 000) et dans le secteur privé (-32 000). Dans ce dernier cas, il s'agit d'une troisième baisse mensuelle de suite et une perte cumulative de 67 000. »

Les 1 710 000 travailleurs canadiens en usines ne représentent plus que 9,8 % des détenteurs d'emplois. « Depuis que Statistique Canada compile ces données, jamais la proportion des emplois de ce secteur n'a été aussi faible, note Emanuella Enenajor, économiste chez CIBC. Depuis un an, la production manufacturière est en hausse d'à peine 0,8 % alors que l'emploi recule de 2,76 %. »

Dans la construction, la perte reflète surtout la fin des stimuli fédéraux pour la réfection des infrastructures, car le bâtiment résidentiel se porte encore bien.

Jusqu'ici cette année cependant, on compte 200 300 emplois de plus qu'en décembre 2010, ajoutés surtout en première moitié. « L'économie ne crée presque plus d'emplois depuis quatre mois, souligne Douglas Porter, économiste en chef délégué chez BMO marchés des capitaux. La vraie question est de savoir si le fort recul d'octobre est une correction ou le début d'une sombre tendance. »

Au Québec, le tableau est plus noir encore : 13 300 emplois en moins et un taux de demandeurs d'emploi qui passe de 7,3 % à 7,7 %. En 2011, le Québec compte seulement 5200 emplois de plus, mais 23 700 de moins en usine, soit une forte proportion des 73 100 de moins d'un océan à l'autre.

« Les inquiétudes quant à la santé de l'économie ne sont pas propices à l'embauche massive, observe Joëlle Noreau, économiste principale au Mouvement Desjardins. À preuve, la moyenne de la création d'emplois a été de -5200 et de -9600 respectivement au Québec et en Ontario au cours des trois derniers mois. »

Autre fait des plus inquiétants, la croissance annuelle des salaires recule à nouveau, étant passée de 1,6 % à 1,3 %. « C'est encore plus important que la volatilité observée dans le nombre d'emplois, soutient Derek Holt, économiste principal chez Scotia Capitaux. Des millions de salariés canadiens ne gagnent pas assez pour faire face aux augmentations de la facture d'épicerie, du plein d'essence et des dépenses discrétionnaires. »

Ce recul est une autre facette de la saignée d'emplois dans la fabrication et la construction où les salaires sont en général plus élevés que dans les services et l'agriculture où l'emploi a peu varié.

Il y a deux semaines, la Banque du Canada avait étonné les experts en ramenant de 2,9 % à 0,8 % sa prévision de croissance annualisée pour le quatrième trimestre.

Le marché du travail lui donne jusqu'ici raison.