Le Canada, élève modèle des grandes économies pour sa gestion des finances publiques, n'est pas immunisé contre une débâcle des marchés mondiaux et un nouveau ralentissement chez son principal partenaire commercial, les États-Unis, estiment analystes et hommes politiques.

Des économistes croient que les consommateurs canadiens vont probablement ressentir l'impact de l'agitation économique aux États-Unis si ce pays retombe en récession, comme le redoutent certaines agences d'évaluation du crédit.

John Stephenson, de First Asset Funds, affirme que la révision à la baisse de la note de crédit des États-Unis et la chute des marchés boursiers pourraient annoncer une période difficile pour les consommateurs canadiens.

Une économie américaine en difficulté pourrait faire en sorte que les entreprises canadiennes deviennent hésitantes à embaucher et que les consommateurs n'aient pas la confiance nécessaire pour dépenser suffisamment afin d'alimenter la croissance de l'économie.

Les consommateurs devraient se préoccuper de la baisse des revenus de placement, d'autant plus qu'ils se sont endettés en profitant de taux d'intérêt peu élevés, croit M. Stephenson.

Robert Kavis, économiste à la Banque de Montréal, affirme quant à lui que le dollar canadien est vulnérable et que la Bourse de Toronto va probablement continuer d'encaisser les coups pendant un certain temps.

Cela pourrait affecter la confiance des consommateurs et le niveau des dépenses, cela étant susceptible d'avoir pour conséquence d'affecter les prix sur l'influent marché immobilier, en particulier à Vancouver et Toronto, dit-il.

D'autres facteurs de risque

«Dans cet environnement, il est probable que les prix des matières premières demeurent atones, et le dollar canadien est vulnérable et extrêmement volatil. Cela n'est pas une mauvaise nouvelle en soi, mais notre marché boursier a pris un coup et ce n'est probablement pas fini», a écrit lundi Sherry Cooper, économiste en chef à la Banque de Montréal (BMO).

L'économie canadienne repose en bonne partie sur les exportations de matières premières (pétrole, bois, nickel, potasse, etc.) donc une éventuelle contraction de l'économie mondiale pourrait affecter négativement le cours de ces matières.

«Le Canada n'est pas une île», a déclaré ce week-end son ministre des Finances, Jim Flaherty. «Nous sommes un pays de commerce, avec un tiers de notre production lié aux exportations et des liens étroits avec l'économie américaine», a-t-il ajouté.

En 2010, les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ont atteint environ 645 milliards de dollars.

«La reprise économique mondiale demeure fragile et cette incertitude pourrait éventuellement avoir un effet négatif sur le Canada», a indiqué le ministre canadien, tout en vantant la bonne tenue des finances publiques du pays.

Ottawa est reconnu comme le chouchou de la classe du G8 avec une dette publique représentant un peu plus 35% de son PIB, en excluant les bilans des administrations provinciales, la plupart d'entre elles étant aussi endettées.

Si l'Alberta, coeur de l'économie pétrolière avec ses sables bitumineux, n'a pas de dette publique, le Québec, lui, traîne une dette brute d'environ 173 milliards de dollars, soit 55% de son PIB, le plus haut taux pour une province canadienne.

Le pays à la feuille d'érable avait perdu en 1992 sa note de crédit «AAA» sur sa dette libellée en monnaie étrangère chez Standard and Poor's, pour la regagner dix ans plus tard après avoir transformé son déficit annuel en excédent, et réduit son ratio dette/PIB.

Si le problème des États-Unis demeure circonscrit à la «décote», le Canada «pourrait tirer son épingle du jeu» fort d'une cote «AAA» pour ses produits obligataires. Mais si l'économie américaine plonge, «le Canada va plonger aussi», a dit à l'AFP Sébastien Lavoie, analyste à la Banque Laurentienne.

Au contraire, la tourmente est «une opportunité pour le Canada», a estimé l'ancien premier ministre Paul Martin, qui fut le ministre des Finances architecte du retour à l'équilibre des finances publiques dans la deuxième moitié des années 90.

Le ratio dette/PIB peu élevé de l'administration fédérale, en comparaison avec les pays européens et les États-Unis, devrait permettre à Ottawa d'investir dans les infrastructures pour augmenter l'avantage compétitif du pays, a-t-il soutenu dans un entretien publié lundi dans le quotidien torontois The Globe and Mail.

- Selon AFP et PC