Après 12 jours de grèves tournantes et plusieurs semaines de négociations infructueuses, Postes Canada a décrété un lock-out mardi soir et annoncé la suspension de ses activités partout au pays.

Mais la société d'État et le syndicat des travailleurs des postes pourraient bien se voir imposer un règlement à leur conflit, puisque la ministre fédérale du Travail, Lisa Raitt, semble maintenant étudier la possibilité de déposer une loi spéciale de retour au travail.

Pour le moment, cependant, aucune décision n'est prise, a assuré mercredi la ministre, qui a soigneusement évité de prendre position à sa sortie du caucus hebdomadaire du Parti conservateur, au parlement.

«Je vais rentrer et parler à mes fonctionnaires. Évidemment, avec un lock-out décrété à Postes Canada, il est temps de se pencher de nouveau sur le dossier et voir les effets sur le public canadien, les entreprises canadiennes et l'économie nationale», a-t-elle expliqué.

«Nous n'avons pas encore pris de décision», a-t-elle toutefois martelé, en réponse aux rumeurs voulant que la ministre dépose un avis ce mercredi après-midi pour avertir les Communes de son intention de présenter une loi spéciale.

Dans un communiqué diffusé tard mardi soir, Postes Canada a soutenu que les actions du syndicat compromettaient la viabilité de l'entreprise.

La partie patronale y a affirmé que l'accélération du déclin des volumes de courrier ainsi que l'impossibilité de le livrer à temps et de façon sécuritaire avaient forcé le décret d'un lock-out.

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) n'a pas tardé à répliquer, mercredi matin, en affirmant que l'attitude de la société d'État est «inacceptable», puisque Postes Canada a pris «d'une certaine façon une partie du courrier en otage, une partie de la population en otage».

En conférence de presse à Ottawa, le président national et négociateur en chef du STTP, Denis Lemelin, a réitéré la volonté syndicale de reprendre les négociations, pourvu que la partie patronale revoie le mandat de ses négociateurs. Car après huit mois de pourparlers, la situation n'est toujours pas réglée.

M. Lemelin a réclamé une rencontre avec le grand patron de Postes Canada, Deepak Chopra, pour lui présenter des demandes précises, notamment que le nouveau PDG garantisse qu'il permettra aux travailleurs de livrer les chèques de prestations sociales.

M. Lemelin a dit ne pas souhaiter l'adoption d'une loi spéciale, rappelant que ce scénario pourrait affecter les relations de travail pour les années à venir.

«Nous ne serons pas d'accord avec une loi de retour au travail. Nous dirons non et nous continuerons de dire non», a argué le président du syndicat, en plaidant que la seule façon de procéder était par la libre négociation.

Quant à savoir si le STTP accepterait une telle mesure législative, M. Lemelin a refusé de le préciser, ajoutant qu'il s'agissait encore d'une question hypothétique.

Or, la ministre du Travail semblait bel et bien se préparer à annoncer une loi spéciale, mercredi midi. Si elle refusait de confirmer ses intentions, elle a néanmoins répété qu'elle irait consulter ses fonctionnaires et qu'elle espérait «en avoir davantage à dire plus tard».

La ministre Raitt refusait jusqu'ici d'intervenir dans les négociations entre Postes Canada et ses employés, mais elle a changé de ton mercredi matin, à la suite de l'annonce du lock-out.

Mme Raitt a indiqué au quotidien torontois The Globe and Mail qu'elle pourrait prendre des mesures similaires à celles qu'Ottawa a adoptées en réaction à la grève récemment déclenchée chez Air Canada. Le gouvernement fédéral a annoncé, mardi, qu'il déposerait une loi spéciale pour forcer le retour au travail des employés du transporteur aérien.

Mardi, à sa sortie de la période de questions, Lisa Raitt avait expliqué qu'elle n'envisageait pas de loi spéciale pour le conflit chez Postes Canada parce que, jusque-là, il ne s'agissait pas d'une grève nationale. Mais avec le décret d'un lock-out, la situation a changé, tout comme le discours de la ministre.

«Il s'agit maintenant d'un lock-out. Nous comprenons la différence et nous allons revoir les circonstances. (...) Nous devons encore faire une évaluation des effets de ceci sur l'intérêt public», a expliqué Lisa Raitt mercredi midi, sans toutefois en dire davantage.

Postes Canada prétend avoir subi des pertes totalisant près de 100 millions de dollars jusqu'ici, en incluant les grèves de mardi à Montréal et à Toronto. De plus, l'employeur justifie sa décision par l'écart important qui sépare toujours les parties sur plusieurs questions fondamentales.

La direction croit qu'un lock-out était le meilleur moyen de résoudre rapidement l'impasse et croit ainsi pouvoir forcer le syndicat à examiner les propositions qui traitent de la baisse des volumes de courrier et du déficit de 3,2 milliards de dollars du régime de retraite.

Postes Canada dit encore croire que la meilleure issue est un règlement négocié. Cette conclusion est partagée par le syndicat, qui souhaite éviter l'imposition d'une loi spéciale.