À entendre des analystes politiques, ces jours-ci, les électeurs ontariens dans une poignée de circonscriptions situées surtout en périphérie de Toronto pourraient décider du prochain gouvernement fédéral. Mais dans les milieux d'affaires en Ontario, ce qui importe le plus, c'est la continuité des mesures de relance économique afin de secouer les effets de la pire récession en une génération dans cette province.

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Bien qu'il soit d'abord de compétence provinciale, le débat sur les coûts et les moyens de production d'électricité en Ontario s'est vite immiscé dans la campagne électorale fédérale.

Et c'est tant mieux, considèrent les dirigeants des principaux groupements d'affaires en Ontario, dont les membres se préoccupent de plus en plus de l'inflation de leur facture d'électricité.

Actuellement, cette facture est déjà plus élevée de 40% à 100% que chez leurs homologues - et concurrents - établis au Québec, où les bas tarifs d'électricité font partie de l'aide au développement économique.

Quant à leur future facture d'électricité, les dirigeants d'entreprise en Ontario s'inquiètent des milliards de dollars que la province devra investir au cours des prochaines années pour moderniser et renforcer sa capacité de production.

«C'est devenu la principale préoccupation de coûts d'exploitation pour la grande majorité de nos membres. C'est même passé devant leurs préoccupations habituelles à propos des coûts d'origine fiscale et réglementaire», explique Satinder Chera, vice-président pour l'Ontario de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI).

M. Chera s'appuie sur la plus récente mesure mensuelle du «Baromètre d'affaires en Ontario» préparé par son organisation qui regroupe 42 000 entreprises en Ontario, surtout des PME dans tous les secteurs d'activités.

À la Chambre de commerce de l'Ontario, le président, Len Crispino, admet aussi à La Presse Affaires que ses membres s'inquiètent des perspectives de leurs coûts d'électricité.

«Le gouvernement de l'Ontario ferme progressivement les centrales au charbon. Mais pour les remplacer, faudra-t-il de nouvelles centrales nucléaires? Ou miser davantage sur des énergies vertes à tarifs subventionnés? Chose certaine, ça risque de coûter cher et de nuire à la compétitivité d'affaires de l'Ontario», a expliqué M. Crispino.

Cela dit, comment ce débat ontarien s'est-il invité en pleine campagne électorale fédérale?

En fait, c'est le gouvernement conservateur sortant de Stephen Harper qui, indirectement, l'a ravivé peu après le déclenchement des élections.

C'est survenu avec son offre à Terre-Neuve d'une garantie de prêt de 4,2 milliards pour développer le complexe hydro-électrique du Bas-Churchill.

Et comme son homologue québécois, cette proposition a piqué au vif le premier ministre libéral de l'Ontario, Dalton McGuinty.

«Si un gouvernement fédéral quel qu'il soit fait une offre financière spéciale à Terre-Neuve pour développer un projet de production d'électricité, les Ontariens s'attendent au même niveau d'aide», a lancé M. McGuinty, dont le frère David est d'ailleurs député fédéral libéral en réélection dans la région d'Ottawa.

«Les Ontariens fournissent 40% des revenus du fédéral. Ils n'accepteront pas que leurs taxes et impôts servent au fédéral à subventionner les coûts d'électricité dans une autre partie du pays.»

Ce commentaire du premier ministre ontarien s'ajoutait à ses récriminations envers Ottawa à propos du processus de privatisation et de réorganisation de la société d'État Énergie atomique du Canada (EACL).

Queen's Park souhaite confirmer une commande de réacteur nucléaire auprès d'EACL, qui est lourdement subventionnée par Ottawa, avant qu'elle ne soit privatisée.

Par ailleurs, la sortie de Dalton McQuinty envers l'aide financière à Terre-Neuve s'inscrivait aussi dans sa réclamation auprès du fédéral afin qu'il corrige «l'iniquité fiscale» de quelques milliards par an dont serait victime l'Ontario depuis des années, en raison des failles attribuées aux calculs de la péréquation.

Selon Queen's Park, avec la croissance continue de sa population de l'Ontario et l'ampleur de la récente récession, la province devrait être une perceptrice de péréquation, et non encore l'une de ses principales contributrices.

Il reste à voir, cependant, si l'électorat ontarien se préoccupe vraiment d'une telle dispute fiscale avec le fédéral. Plutôt que des propositions des partis pour relancer la création d'emplois en Ontario après une dure récession.