Les conditions économiques s'améliorent légèrement, mais pas assez pour modifier le taux directeur de la Banque du Canada avant quelques mois.

Richard Dufour: La prochaine hausse de taux sera...

Sans surprise, elle l'a reconduit hier à 1% pour la troisième fois d'affilée, sans donner le moindre indice sur le moment de la reprise de sa normalisation. «Toute nouvelle réduction du degré de détente monétaire devra être évalué avec soin», lit-on seulement dans le communiqué faisant part de sa décision.

Cette décision ne devrait entraîner aucun changement de taux préférentiel chez les institutions financières. Il est fixé à 3,25% depuis octobre.

La Banque est toujours d'avis qu'il subsiste quantité considérable de capacités inutilisées. Ce n'est qu'à la fin de 2012 que l'économie aura retrouvé son plein potentiel et que l'inflation de base, c'est-à-dire sans ses composantes les plus volatiles, réatteindra la cible de 2%. En novembre, son rythme annuel était de 1,4%, le plus faible en 32 mois.

Néanmoins, «la cadence un peu plus rapide de la croissance mondiale incite la Banque à rajuster un peu à la hausse sa prévision de croissance réelle de l'économie pour 2011 et 2012. Le taux passe de 2,3% à 2,4% cette année et de 2,6% à 2,8% pour l'an prochain.

L'expansion a sans doute été beaucoup plus faible en seconde moitié de 2010. L'ajustement à la hausse est plutôt un rattrapage qu'une accélération de la croissance.

«La reprise au Canada se déroule essentiellement comme prévu et est caractérisée par une période de croissance plus modeste et le début du rééquilibrage attendu de la demande», lit-on aussi.

La Banque ne fait aucune allusion au resserrement de l'octroi des garanties hypothécaires annoncées lundi par le ministre des Finances, Jim Flaherty. La semaine dernière, une sous-gouverneure avait consacré toute son intervention publique à l'inquiétude de la Banque devant l'endettement inédit des ménages.

Ce qui freine la croissance, notaient plutôt les autorités monétaires hier, c'est encore la faiblesse de la productivité jumelée à la robustesse de la devise qui restreignent les exportations nettes.

La Banque note même que le commerce international a aggravé le déficit des comptes courants canadiens «qui se situe à son niveau le plus élevé en 20 ans».

C'est «apparemment pour tenter de refroidir l'engouement des étrangers pour le dollar canadien» que la Banque aurait fait mention de la chose, estiment Stéfane Marion et Paul-André Pinsonnault, économistes à la Banque Nationale.

À l'échelle mondiale, le risque le plus important serait la dette souveraine de certains pays d'Europe. La Banque constate que la reprise mondiale «se poursuit à une cadence un peu plus rapide» qu'elle ne l'anticipait encore il y a quelques semaines, mais pas assez pour modifier en profondeur son scénario économique.

«Les perspectives économiques au Canada sont encore imprégnées de plusieurs incertitudes, résume Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Dans ces conditions, les autorités jugeront plus prudent de retarder jusqu'à juillet prochain la poursuite de la hausse des taux d'intérêt directeurs.»

Plusieurs économistes s'attendent aussi à une pause prolongée, ne serait-ce que pour voir comment la Réserve fédérale américaine se positionnera quand elle aura complété en juin sa détente quantitative d'au moins 600 milliards US.

D'autres pensent plutôt qu'elle ne pourra attendre si longtemps. «Le maintien du taux directeur et le fait de retarder son augmentation reflètent une lecture trop faible de l'économie canadienne, affirme Denis Sénécal, vice-président et chef des titres à revenus fixes chez State Street Gestion globale. À notre avis, il aurait été préférable d'aller plus rapidement à un taux neutre et de museler les attentes d'inflation.»

Sur les motivations de la Banque, on en apprendra sans doute un peu plus aujourd'hui avec la publication du Rapport sur la politique monétaire.

La prochaine date de fixation du taux directeur est le 1er mars.