La décision fédérale de restreindre les garanties de prêts hypothécaires accroît la marge de manoeuvre de la Banque du Canada, bien que tous les experts s'attendent déjà à ce qu'elle reconduise son taux directeur à 1% pour une troisième fois d'affilée ce matin.

Plusieurs espéraient le geste bienvenu d'Ottawa dans le prochain budget dont l'adoption n'est toutefois pas acquise. Quel que soit son sort au Parlement, la Banque pourra désormais concentrer ses énergies sur l'inflation et les attentes d'inflation. Et ce ne sera pas simple.

En novembre, l'indice des prix à la consommation voguait au rythme annuel de 2%, en plein sur la cible de la Banque. Toutefois, l'indice de référence, qui exclut huit composantes de l'IPC jugées très volatiles comme les fruits et les légumes ou l'essence et le gaz naturel, avançait à 1,4% seulement. C'est un peu moins que ce qu'elle prévoyait dans son scénario d'octobre étayé dans le Rapport sur la politique monétaire qui sera mis à jour demain.

Depuis octobre, bien des choses ont changé sur le plan économique.

Au premier plan, l'économie canadienne a montré des signes d'essoufflement plus grands que ce que la Banque estimait. La croissance a été contenue à 1% en rythme annualisé au troisième trimestre (la Banque tablait sur 1,6%). Pour l'automne, elle prévoyait un rebond à 2,6% qui paraît bien ambitieux à la lumière des données publiées jusqu'ici.

Bref, si on ne regarde que la croissance canadienne, les pressions inflationnistes ont peu de chances d'être stimulées.

Ce serait toutefois ignorer d'autres signaux susceptibles de faire sourciller les autorités monétaires. En dépit de la faible croissance, le taux d'utilisation des capacités est grimpé à 78,1% durant l'été. Cela laisse croire que l'écart de production (output gap) s'est refermé, même si l'économie a progressé en deçà de son potentiel. Cela s'explique par le fait que des capacités industrielles ont été détruites. En fait foi par exemple la fermeture de la raffinerie Shell à Montréal.

Les résultats de l'Enquête sur les perspectives des entreprises parus la semaine dernière montraient aussi que le pourcentage d'entre elles qui éprouveraient des difficultés à faire face à une demande inattendue était «tout juste en deçà de la moyenne historique de l'Enquête», selon la Banque elle-même.

Parallèlement, les coûts unitaires de main-d'oeuvre continuent d'augmenter, ce qui est susceptible de nourrir l'inflation sur les salaires.

Cette forme d'inflation est cependant en partie neutralisée par la force du dollar canadien. La Banque avait fondé son scénario sur le cours du huard en octobre, puisqu'elle ne fixe pas de cible de change. Depuis le début de l'année, le huard vole au-dessus de la parité, une situation qui devrait perdurer quelques mois selon d'aucuns en raison de la poussée récente des prix des matières premières, du pétrole en particulier.

Dernier élément, mais non le moindre, depuis octobre, la Réserve fédérale américaine et le Congrès se sont alliés pour aiguillonner l'économie des États-Unis par l'injection de plusieurs centaines de milliards.

La croissance américaine sera plus forte qu'anticipée en octobre, ce qui devrait bénéficier à la canadienne, mais on ne pourra mesurer l'effet véritable des stimuli avant quelques mois.

Voilà pourquoi tous les experts s'attendent à ce que la Banque ne bouge pas cette fois-ci.

Voilà aussi pourquoi plusieurs économistes jugent qu'elle devra reprendre la normalisation de son taux directeur bien avant l'été, certains osant même prédire un tour de vis dès mars ou en avril au plus tard.

Le resserrement des conditions de prêts hypothécaires arrive donc à un moment très opportun.