Après un début d'année lent, le volume d'activités en fusions et acquisitions (F&A) d'entreprises au Canada s'est nettement raffermi au cours des derniers mois. Et même les grosses banques s'y mettent, ayant retrouvé leur aise au terme de deux ans de crise financière et de récession.

> Suivez Martin Vallières sur Twitter

Après l'offre de 4 milliards US de la Banque de Montréal pour une banque du Midwest américain, la Banque Toronto-Dominion pourrait confirmer d'un jour à l'autre l'achat pour 6 milliards de Chrysler Financial, l'ex-branche financière du constructeur automobile.

À ce rythme, l'année 2010 de F&A parmi les entreprises canadiennes (voir le tableau) pourrait se conclure aux environs de 145 milliards de dollars canadiens en valeur totale de transactions annoncées, ici ou à l'étranger.

Ça sera un peu mieux que les 138 milliards atteints l'an dernier, qui étaient en net rebond après l'affaissement de 2008, selon les données recensées par la firme spécialisée Crosbie & Co., de Toronto.

En contrepartie, le niveau d'activités attendu en 2010 s'annonce inférieur d'un bon tiers au niveau record d'il y a trois ans.

Selon des experts en F&A, cet écart n'est pas nécessairement négatif. Du moins, tant que les doutes économiques persisteront dans les principales économies développées du monde, en particulier aux États-Unis.

«Le plus important changement dans le marché des F&A en 2010, c'est que l'accès au capital et au financement de transactions d'entreprises s'est grandement amélioré, après deux années très difficiles», remarque François Tellier, associé-directeur en F&A pour le Québec au cabinet comptable Ernst&Young.

«Mais en dépit de cette détente financière, l'incertitude économique demeure une barrière à la clôture de nombreuses transactions. Elle complique l'estimation des résultats prochains des actifs échangés, ce qui nuit au rapprochement des valeurs entre les vendeurs et les acheteurs.»

N'empêche, M. Tellier s'attend à une bonne continuité en 2011 de la reprise du marché des F&A d'entreprises au Canada et au Québec.

Et notamment lors de transactions transfrontalières.

«Il y a plusieurs entreprises bien capitalisées qui pourraient être opportunistes aux États-Unis, notamment pour profiter du dollar canadien fort et de la valeur dépréciée de certains actifs d'affaires», souligne François Tellier.

Chez la firme PriceWaterhouseCoopers, le directeur en F&A pour le Québec, Nicolas Marcoux, s'attend aussi pour 2011 à une continuité favorable après le regain des derniers mois.

«Plusieurs projets de transactions qui sont plus ou moins en suspens pourraient se concrétiser l'an prochain. Le financement est plus facile et l'écart des valeurs rétrécit entre les vendeurs et les acheteurs, précise M. Marcoux.

«D'une part, mieux financés, les acheteurs ont les moyens de payer un peu plus pour des actifs convoités. D'autre part, après deux à trois ans de stagnation, des vendeurs sont un peu moins gourmands et plus enclins à négocier pour effectuer une transaction.»

Cela dit, le marché des F&A d'entreprises demeure toujours à risque d'un emballement, surtout dans une période où le financement et les capitaux sont disponibles à coûts très bas, historiquement.

En ce sens, Nicolas Marcoux anticipe un afflux de transactions effectuées par des fonds de placements privés, ou «private equity» dans le jargon anglophone de la finance.

La raison? Ces fonds à durée de vie prédéterminée - une décennie en moyenne - avaient recueilli des masses de capitaux lors du boom financier qui a culminé entre 2005 et 2007.

Or, la crise financière et la récession ont neutralisé jusqu'à récemment les possibilités d'achat et de revente d'actifs de ces fonds. Ils se retrouvent maintenant pressés de déployer «des dizaines de milliards» afin de réaliser leur mandat d'investissement et de rendement prévu à leur création, explique M. Marcoux.

«Ces fonds privés d'investissement pourraient émerger comme les intervenants en F&A d'entreprises les plus influents au cours des prochains trimestres. Aux États-Unis surtout, mais aussi au Canada et au Québec.»

D'ailleurs, pour la première fois cette année au Canada, au moins trois transactions multimilliardaires menées par des fonds privés figurent parmi le top 15 du palmarès des F&A.