Des deux côtés de la frontière, le marché du travail poursuit une lente consolidation et une création modeste d'emplois. La situation générale canadienne reste néanmoins beaucoup plus saine que l'américaine.

Chez nous, il s'est ajouté 15 200 emplois en novembre d'un océan à l'autre, concentrés toutefois dans les services et le travail à temps partiel, a indiqué hier Statistique Canada.

Le taux de chômage a reculé de trois dixièmes à 7,6%, le plus faible depuis janvier 2009, en raison d'une désertion de la population active par la cohorte des jeunes de 15 à 24 ans.

Mesure beaucoup plus parlante de l'état de santé du marché du travail, le taux d'emploi, qui représente la proportion de la population de 15 ans et plus qui détient un gagne-pain, est resté stable à 61,8%.

Au Québec, il a cependant reculé de trois dixièmes à 60,1%, malgré le repli d'un dixième du taux de chômage à 7,9%. Cela reflète mieux l'impact de la suppression de 14 100 jobs, tous à temps plein de surcroît.

«La progression de l'emploi au Québec était tout simplement phénoménale, fait remarquer Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins. Le recul de l'emploi depuis deux mois s'apparente davantage à un ajustement temporaire qu'à un début de tendance baissière.»

En fait, le Québec compte déjà 44 000 emplois de plus que le sommet du cycle précédent alors que le Canada dans son ensemble dépasse ce sommet de 23 700 jobs seulement, selon la compilation faite par la Banque TD.

La défection des jeunes a fait reculer le taux d'activité, soit la proportion des 15 ans et plus qui détient ou cherche activement un emploi, à 66,9%, le plus faible depuis 2002.

Les nouveaux emplois sont regroupés dans le commerce, le transport, l'entreposage, l'hébergement et la restauration. Les pertes sont concentrées dans les services financiers, qui souffrent du ralentissement du marché immobilier, et surtout dans la fabrication dont les effectifs ont encore diminué de 28 600 personnes.

Le travail en usine ne représente plus que 10% du total, contre 15% au début de la décennie et 19% en 1976. Cette hémorragie reflète l'affaissement des exportations manufacturières causée par la poussée du huard et le ralentissement de la consommation américaine.

Le gain de 6600 emplois dans la construction est avant tout attribuable au plan de réfection et de modernisation des infrastructures qu'Ottawa vient heureusement de prolonger de quelques mois.

Dans l'ensemble toutefois, le secteur privé a supprimé 11 600 postes après deux mois d'embauches nettes. «La diminution de l'emploi dans le secteur privé suggère que l'économie se débat pour générer plus de travail puisque les pertes d'emplois liées à la récession ont été effacées», juge Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux.

Même si la variation du nombre d'emplois en novembre est le solde de 26 700 temps partiel en plus et de 11 500 temps plein en moins, le nombre d'heures travaillées était en hausse de 0,7%. Il n'est plus qu'à 0,4% de son sommet de 2008.

«Cela stimulera sans aucun doute l'activité, en particulier la demande intérieure, croient Yanick Desnoyers et Matthieu Arseneau, économistes à la Banque Nationale. Le marché canadien soutient donc la croissance, ce qui devrait se traduire par une accélération du PIB réel au quatrième trimestre.»

De juillet à septembre, la croissance réelle annualisée a été limitée à 1%, la plus faible du G7.

Nouvelle déception américaine

Malgré un onzième mois d'embauches par le secteur privé, les chiffres américains ont encore déçu parce que les attentes étaient trop élevées.

Les entreprises ont gonflé leurs effectifs de 50 000 personnes, mais les municipalités en ont licencié 11 000. Le solde de 39 000 n'a pu empêcher le taux de chômage de passer de 9,6% à 9,8%, le plus élevé depuis janvier, selon les données du Bureau des statistiques du travail. Il en faudrait plutôt 200 000 par mois pour le faire reculer.

Le nombre de nouveaux emplois du secteur privé était le plus faible depuis janvier. Il a suscité la déception, compte tenu des résultats de l'enquête ADP publiés mercredi qui laissaient espérer bien davantage. «C'est probablement attribuable à l'incertitude qui perdure quant à l'avenir des réductions d'impôt de l'ère Bush qui se terminent bientôt, explique Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale. Pourquoi embaucher quand on ne connaît pas l'ampleur de ce que sera dans un mois la ponction fiscale sur la petite entreprise et le consommateur?»

Mince consolation, l'indice ISM non manufacturier qui mesure les intentions des décideurs d'achat dans les services a grimpé plus que prévu à 55, ce qui reflète la meilleure expansion du secteur depuis mai.

«L'activité économique progresse toujours, mais l'incertitude quant aux perspectives économiques, fiscales et réglementaires pèse sur les intentions d'embauche, résume Jennifer Lee, vice-présidente, recherche économique chez BMO Marchés des capitaux. Mais la reprise se poursuit.»