Même s'il subsiste de bons arguments pour poursuivre la normalisation de la politique monétaire, il est hautement probable que la Banque du Canada opte pour faire une pause de quelques mois, compte tenu des «incertitudes inhabituelles», selon ses propres mots, qui planent sur le paysage économique.

Depuis le 1er juin, l'autorité monétaire a augmenté à trois reprises son taux cible de financement à un jour, fixé à 1,0% le 8 septembre.

Dans l'annonce faisant part de sa troisième majoration, la Banque n'avait pas écarté de nouveaux tours de vis, ce qui avait surpris plusieurs économistes des milieux financiers.

Après tout, l'économie canadienne ne montrait-elle pas déjà des signes d'un ralentissement important alors que les pressions inflationnistes se faisaient plus ténues?

L'opinion des grands argentiers canadiens paraît avoir basculé le 21 septembre. Ce jour-là, la Réserve fédérale a entrouvert la porte à une seconde ronde de détente quantitative. En clair: à imprimer de l'argent pour abaisser la valeur du billet vert et créer des pressions inflationnistes sur les biens importés.

Depuis, la Fed n'a pas cherché à calmer les attentes des intervenants sur les marchés qui ont troqué les dollars pour des onces d'or. Vendredi, son président Ben S. Bernanke a même déclaré à Boston que «toutes choses étant égales par ailleurs, il semblerait y avoir matière à faire d'autres gestes». Pour la Fed, qui a le double mandat d'assurer la stabilité des prix et du plein emploi, un taux d'inflation de base sous la barre de 1% et un taux de chômage bien ancré au-dessus des 9% ne sont pas acceptables.

Jusqu'où ira-t-elle? C'est une question qui anime toutes les conjonctures. Chose certaine, cette nouvelle détente dopera le dollar canadien qui deviendra, du coup, un élément de resserrement monétaire de ce côté-ci de la frontière.

Le scénario de juillet de la Banque était fondé sur le taux de change du moment, 96 cents américains. La semaine dernière, il a flirté avec la parité et devrait l'avoisiner encore un bon moment, sinon la surpasser sans équivoque.

Il y a d'autres raisons pour faire une pause, comme le prévoient à l'unanimité les 18 économistes sondés par Bloomberg. Le taux d'inflation au Canada était en moyenne de 1,75% en juillet et août, alors que la Banque avait prévu 2,1%. La croissance au deuxième trimestre a aussi été bien en deçà de son scénario de juillet et elle l'aura été aussi sans aucun doute au troisième trimestre.

Dans les milieux académiques, cependant, on raisonne différemment. Au comité de politique monétaire de l'Institut C.D. Howe, sept des neuf membres votants viennent du monde universitaire. Cinq d'entre eux préconisent une nouvelle hausse demain et une autre le 7 décembre.

Ils voient des changements structurels dans les marchés d'exportation. Il y aurait donc moins de sous-utilisation des capacités qu'on ne le croit. Les tendances à la désinflation seraient par conséquent plus faibles qu'estimées.

Cet argument convainc en partie aussi les partisans d'une pause demain. Ils en tiennent compte pour prédire la reprise de la normalisation dès l'hiver, alors que ceux qui n'y adhèrent pas prévoient une pause prolongée jusqu'à l'automne prochain.