La crise de solvabilité qui afflige les régimes de retraite à prestations déterminées donne droit à une série d'initiatives des législateurs qui pallient au plus pressé sans attaquer le problème de fond, pourtant critique.

On estime que quatre régimes sur cinq ne pourraient pas remplir tous leurs engagements, s'ils devaient être liquidés du jour au lendemain. C'est la notion d'insolvabilité actuarielle. En revanche, la plupart sont suffisamment capitalisés pour répondre à leurs engagements, dans l'hypothèse actuarielle où ils continuent d'exister.Québec a adopté cet hiver la Loi 1 qui apporte à titre exceptionnel plusieurs mesures d'assouplissement pour alléger le fardeau des employeurs à qui incombe de renflouer les régimes insolvables. Ottawa y est allé d'un cocktail un peu différent le 28 octobre.

Quant à l'Ontario, Queen's Park a présenté la semaine dernière le premier de deux projets de loi pour améliorer la protection des participants. De l'avis des actuaires, le projet est peu substantiel, mais les attentes restent élevées pour le second, prévu au printemps.

Les fonds de pension sont aussi vulnérables par leur statut de créancier ordinaire, en cas de recherche par leur promoteur d'un arrangement pour échapper à la faillite.

La Loi sur la faillite et l'insolvabilité devient un instrument pour permettre aux entreprises d'échapper à une partie de leurs engagements envers leurs retraités présents et futurs.

Voilà pourquoi plusieurs syndicats et organisations de retraités réclament des amendements avec l'appui des partis de l'opposition à Ottawa. On veut entre autres que le rang des régimes de retraite parmi les créanciers devance celui des détenteurs d'obligations qui peuvent de toute façon assurer leur mise en achetant des swaps.

Cela ne semble pas à l'ordre du jour à Whitehorse. Des milliers de retraités craignent que leurs prestations pourtant garanties ne soient amputées.

La crise financière et la récession ont gravement détérioré la solvabilité des régimes de retraite au point où leurs promoteurs doivent augmenter leurs cotisations. Au même moment, ils sont à court de liquidités pour poursuivre leurs affaires.

Certains cherchent donc un arrangement avec leurs créanciers dans le but de ne pas déclarer faillite. Parmi les créanciers, on retrouve les régimes de retraite dont le taux de solvabilité n'atteint pas 100% et dont les retraités pourraient perdre une partie de leur dû.

C'est le cas de la société papetière Abitibi-Bowater. L'entreprise est le résultat d'un grand nombre de fusions-acquisitions: Abitibi et Price, Stone et Consolidated, Abitibi et Consolitaded. Abitibi-Consolidated et Donohue, Abitibi et Bowater pour n'en nommer que quelques-unes.

Résultat: beaucoup d'usines au Canada et aux États-Unis, 27 régimes de retraite distincts dont la dette totale représente 1,4 milliard. Cela en fait les plus gros créanciers.

Les plus gros de ces régimes sont au Québec. Leurs prestations annuelles avoisinent les 190 millions, sommes distribuées surtout en région.

La valeur totale des créances de l'entreprise s'élevait à environ 3,5 milliards, en octobre. Les créanciers sont régis par les lois canadienne et américaine.

Si l'entreprise ne réussit pas à s'entendre avec eux, elle devra déclarer faillite. Les prestations des retraités pourraient en pareil cas diminuer de 25% alors que des milliers de travailleurs perdraient leur gagne-pain.

C'est pour éviter pareille éventualité qu'un comité de travail a été formé par le ministre Sam Hamad. Il réunit des actuaires de la société, du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, de la CSN, des actuaires de la Régie des rentes et des gens du ministère. Deux séances de travail ont déjà eu lieu. La reprise des travaux est prévue début janvier.

Le but n'est pas tant de négocier un arrangement, que de tenter de dénouer l'écheveau.

Abitibi-Bowater n'est pas un cas isolé. Il y a aussi Nortel et Papiers Fraser qui se sont prévalues de la loi pour se protéger de leurs créanciers, parmi lesquels, leurs régimes de retraite.

Advenant la faillite, il y a liquidation des régimes.

Avec la Loi 1 adoptée par l'Assemblée nationale l'hiver dernier, l'actif d'un régime qui doit être liquidé est confié à la Régie des rentes qui a un maximum de cinq ans pour en disposer de manière optimale pour les participants.

Le 30 mars 2009, Aleris Aluminium Canada (autrefois Reynolds) a déposé une demande de liquidation volontaire de tous ses actifs en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Au total, on compte 1182 participants, dont 550 retraités et bénéficiaires dont l'avenir est désormais dans les mains de la RRQ.

En chiffres

1800 milliards

Valeur des actifs de retraite au Canada à la fin 2008, en baisse par rapport à 2100 milliards un an plus tôt.

Trois fois plus

Les actifs des régimes de retraite parrainés par les employeurs ont plus que triplé, étant passés de 302 milliards en 1990 à 1064 milliards en 2008.

7,6%

À la fin 2008, la sécurité sociale représentait 7,6% des actifs de retraite, les régimes parrainés par les employeurs, 58%, et les régimes d'épargne individuels, 34,4%.