Dans le processus d'enchères entourant la vente de la division sans-fil de Nortel au géant suédois Ericsson, le mois dernier, l'entreprise canadienne Research in Motion (RIM), qui produit les appareils BlackBerry, affirme avoir été dupé.

Les intervenants concernés par la transaction financière ont témoigné, hier, devant un comité de la Chambre des communes, à Ottawa, qui a convoqué des audiences d'urgence, les partis de l'opposition s'inquiétant de la vente d'une partie du fleuron canadien Nortel à des intérêts étrangers.

Dans un long plaidoyer devant les parlementaires, le président et cofondateur de RIM, Mike Lazaridis, a plaidé pour que la technologie en question demeure la propriété d'une entreprise canadienne.

RIM était intéressée par l'achat, mais affirme avoir été injustement bloqué par une clause qui aurait empêché l'entreprise canadienne de faire d'autres offres, pendant une année complète, sur d'autres produits Nortel, qui liquide actuellement ses actifs.

Or, les dirigeants d'Ericsson ont été catégoriques devant le comité parlementaire, hier: l'entreprise n'est en aucun cas soumise à une telle clause.

«Soit quelqu'un a fait un témoignage trompeur devant le comité, soit quelqu'un a de mauvais avocats et les paie trop cher, parce que les deux situations décrites sont opposées et ça affecte grandement les choix d'une entreprise de faire des acquisitions dans un marché», a dit à la sortie des audiences le député néo-démocrate Brian Masse.

Perplexes, les parlementaires ont demandé aux recherchistes de la Chambre des communes de faire la lumière sur les clauses imposées dans le processus d'enchères.

Au bord de la faillite, Nortel Networks s'est placée sous la protection des tribunaux en janvier dernier, une décision qui a pris par surprise RIM, qui se trouvait alors en négociations avec le géant déchu, et très proche, selon M. Lazaridis, d'une entente pour acheter une partie des actifs.

Les dirigeants de Nortel ont expliqué que le démantèlement de l'entreprise et la vente d'actifs étaient devenus inévitables, tant leurs clients refusaient d'acheter les produits et services, étant donné la situation financière critique.

«L'achat par Ericsson de la division sans-fil CDMA et des actifs LTE Access de Nortel est une bonne affaire pour le Canada. Ça permet de préserver des emplois et ça place des actifs importants entre les mains d'un leader multinational, afin d'assurer une croissance soutenue », a affirmé George Riedel, vice-président et chef de la stratégie chez Nortel.

Seuls trois soumissionnaires étrangers ont participé aux enchères, dont le processus a été établi par un tribunal américain. C'est finalement le géant des télécommunications Ericsson qui pourra mettra la main sur les actifs, au coût de 1,13 milliard US.

Maintenir les emplois

Devant une salle bondée d'employés et de retraités de Nortel, inquiets du sort qui leur sera réservé, les dirigeants d'Ericsson Canada se sont engagés à maintenir au Canada les 800 emplois hérités de la filiale de Nortel et affirment qu'aucun plan de restructuration n'est envisagé.

«Il n'est pas question de licenciements, il est question d'emplois et de croissance», a souligné le président-directeur général d'Ericsson Canada, Mark Henderson, ajoutant que jamais dans son histoire l'entreprise a quitté un marché où elle était implantée.

Ericsson est implanté au pays depuis 1953 et emploie actuellement 1900 personnes au Canada, dont 1500 à Montréal seulement. L'entreprise a investi 2 millions de dollars en recherche et développement au Canada dans les 10 dernières années et les dirigeants estiment que l'acquisition des actifs de Nortel pourrait faire doubler ces investissements.

Non satisfaits des explications données au comité, les députés libéraux et néo-démocrates réclament que le gouvernement fédéral étudie en profondeur la transaction pour vérifier si elle sera bénéfique pour les contribuables canadiens. Le Bloc québécois réclame pour sa part que des conditions soient ajoutées au contrat de vente, incluant le maintien des emplois au Québec. Le gouvernement de l'Ontario avait demandé la semaine dernière à Ottawa de bloquer complètement la transaction. Le gouvernement conservateur devrait faire connaître sa décision en septembre.