Le prochain chapitre d'un affrontement qui dure depuis des semaines aura lieu aujourd'hui, premier jour des audiences sur le système des cartes de crédit et de débit au Comité des banques et du commerce du Sénat. L'enjeu: le développement des paiements électroniques au Canada.

D'un côté, les émetteurs de cartes de crédit, menés par les géants MasterCard et Visa. De l'autre, des milliers de détaillants et distributeurs canadiens, qui estiment que le marché des cartes de crédit devrait être réglementé, et qui craignent l'arrivée de Visa et MasterCard dans le marché des cartes de débit.

 

Au Canada, les transactions par cartes de crédit se chiffrent à 240 milliards de dollars annuellement.

Le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) mène une coalition de plusieurs associations nationales, représentant quelque 200 000 entreprises, qui dit vouloir tenir tête aux géants des cartes de crédit pour faire cesser l'explosion des frais aux détaillants.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) est également sur la ligne de front, très active.

«Il y a une limite à ne pas encadrer un secteur aussi névralgique», soutient Simon Prévost, vice-président de la FCEI pour le Québec.

«Il faut un encadrement des pratiques commerciales afin d'avoir une plus grande transparence», dit pour sa part Gaston Lafleur, président-directeur général du Conseil québécois du commerce de détail, membre de la coalition nationale menée par le CCCD.

Tant M. Prévost que M. Lafleur déplorent que les hausses de frais ne soient soumises à aucun contrôle. Ils notent que certaines cartes de crédit associées à des primes ou à des privilèges entraînent des frais plus élevés pour les commerçants, qui ne peuvent les refuser.

Les émetteurs se défendent

Les émetteurs de cartes de crédit ne sont pas restés sur les lignes de côté depuis que le débat est apparu à l'ordre du jour.

Mastercard Canada a lancé un site internet (www.veriteinterchange.com) où elle explique et défend le fonctionnement du système canadien de cartes de crédit.

Du côté de Visa Canada, le chef de l'interchange et des stratégies, Brian Weiner, a indiqué en entrevue à La Presse Affaires que «nous avons un système qui fonctionne très bien au Canada».

Pour chaque transaction effectuée sur une carte de crédit, le détaillant paie à l'institution financière rattachée à la carte des frais appelés taux d'escompte du commerçant. Ce taux est en moyenne de 2% de la valeur de la transaction, mais cela varie selon le type de carte de crédit.

Par la suite, l'institution financière remet à l'émetteur (Visa, MasterCard) une somme appelée interchange. Chez Visa, il est en moyenne de 1,6%, dit Brian Weiner. Les émetteurs ne facturent donc pas directement le commerçant.

«On établit ces frais d'interchange pour couvrir les coûts liés aux incitatifs pour que les institutions financières et les consommateurs utilisent les cartes de crédit, précise M. Weiner. On ne fait pas d'argent avec ça.»

«Tous les détaillants ont le choix d'accepter Visa», ajoute M. Weiner. Mais c'est plus évident à dire qu'à faire, répond Gaston Lafleur, qui rappelle que Visa est un mode de paiement accepté presque partout.

De la résistance pour le débit

Si Visa et MasterCard trouvent de l'opposition sur le front des frais aux marchands, leur avancée dans le secteur des cartes de débit fait face aussi à une forte résistance.

Le marché est actuellement monopolisé par l'association à but non lucratif Interac. Mais MasterCard soutient que cela enlève toute pression pour innover et améliorer le système.

Cela ne convainc pas la FCEI. «Je ne vois pas ce que l'entrée de Visa et MasterCard amènerait dans le marché des cartes de débit, dit Simon Prévost. Le système n'a démontré aucune faiblesse.»

Jean-François Vinet, analyste des services financiers chez Option consommateurs, ne cache pas son inquiétude. «On veut savoir quelles sont les ambitions de Visa et MasterCard sur le plan de la facturation», dit-il.

Les hauts dirigeants de Visa Canada et MasterCard Canada présenteront leur point de vue en fin d'après-midi devant le comité sénatorial. Demain matin, ce sera au tour du président et chef de la direction de l'Association Interac, Mark O'Connell, puis des représentants des détaillants et distributeurs canadiens.

Le Bureau de la concurrence a aussi ouvert une enquête sur de potentiels cas d'abus de position dominante de la part de Visa et MasterCard.